Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuit ils se perchent au haut des arbres[1], où ils dorment la tête sous l’aile : leur cri, c’est-à-dire le cri du mâle, car la femelle n’en a presque point, est entre celui du paon et celui de la peintade, mais plus près de celui-ci, et par conséquent très peu agréable.

Leur naturel est si farouche que, non seulement ils évitent l’homme, mais qu’ils s’évitent les uns les autres, si ce n’est au mois de mars ou d’avril, qui est le temps où le mâle recherche sa femelle ; et il est facile alors de les trouver dans les bois, parce qu’ils se trahissent eux-mêmes par un battement d’ailes qui se fait entendre de fort loin[2]. Les coqs faisans sont moins ardents que les coqs ordinaires : Frisch prétend que dans l’état de sauvages ils n’ont chacun qu’une seule femelle ; mais l’homme, qui fait gloire de soumettre l’ordre de la nature à son intérêt ou à ses fantaisies, a changé, pour ainsi dire, le naturel de cet oiseau, en accoutumant chaque coq à avoir jusqu’à sept poules, et ces sept poules à se contenter d’un seul mâle pour elles toutes ; car on a eu la patience de faire toutes les observations nécessaires pour déterminer cette combinaison, comme la plus avantageuse pour tirer parti de la fécondité de cet oiseau[3]. Cependant quelques économistes ne donnent que deux femelles à chaque mâle[4], et j’avoue que c’est la méthode qui a le mieux réussi dans la conduite d’une petite faisanderie que j’ai eue quelque temps sous les yeux. Mais ces différentes combinaisons peuvent être toutes bonnes selon les circonstances, la température du climat, la nature du sol, la qualité et la quantité de la nourriture, l’étendue et l’exposition de la faisanderie, les soins du faisandier, comme serait celui de retirer chaque poule aussitôt après qu’elle est fécondée par le coq, de ne les lui présenter qu’une à une, en observant les intervalles convenables, de lui donner pendant ce temps du blé sarrasin et autres nourritures échauffantes, comme on lui en donne sur la fin de l’hiver, lorsqu’on veut avancer la saison de l’amour.

La faisane fait son nid à elle seule ; elle choisit pour cela le recoin le plus obscur de son habitation ; elle y emploie la paille, les feuilles et autres choses semblables ; et, quoiqu’elle le fasse fort grossièrement en apparence, elle le préfère, ainsi fait, à tout autre mieux construit, mais qui ne le serait point par elle-même : cela est au point que, si on lui en prépare un tout fait et bien fait, elle commence par le détruire et en éparpiller tous les matériaux, qu’elle arrange ensuite à sa manière. Elle ne fait qu’une ponte chaque année, du moins dans nos climats : cette ponte est de vingt œufs, selon les uns[5], et de quarante à cinquante selon les autres, surtout quand on

  1. Voyez Frisch, planche cxxiii.
  2. Olina, Uccellaria, p. 49.
  3. Voyez Journal économique, septembre 1753. — Le mot faisanderie dans l’Encyclopédie.
  4. Voyez Frisch, planche cxxiii. — Maison rustique, t. Ier, p. 135.
  5. Palladius, de Re rusticâ, lib. i, cap. xxix.