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du cou et du dos sont d’un beau jaune doré, et font l’effet d’autant de lames d’or[1] ; les couvertures du dessus de la queue vont en diminuant, et finissent en espèces de filets ; la queue est composée de dix-huit pennes, quoique Schwenckfeld n’en compte que seize[2] ; les deux du milieu sont les plus longues de toutes, et ensuite les plus voisines de celles-là ; chaque pied est muni d’un éperon court et pointu qui a échappé à quelques descripteurs ; les doigts sont joints par une membrane plus large qu’elle n’est ordinairement dans les oiseaux pulvérateurs[3] ; cette membrane interdigitale, plus grande, semble être une première nuance par laquelle les oiseaux de ce genre se rapprochent des oiseaux de rivière : et, en effet, Aldrovande remarque que le faisan se plaît dans les lieux marécageux ; et il ajoute qu’on en prend quelquefois dans les marais qui sont aux environs de Bologne[4] : Olina, autre Italien[5], et M. Leroy, lieutenant des chasses de Versailles, ont fait la même observation : ce dernier assure que c’est toujours dans les lieux les plus humides, et le long des mares qui se trouvent dans les grands bois de la Brie, que se tiennent les faisans échappés des capitaineries voisines. Quoique accoutumés à la société de l’homme, quoique comblés de ses bienfaits, ces faisans s’éloignent le plus qu’il est possible de toute habitation humaine ; car ce sont des oiseaux très sauvages, et qu’il est extrêmement difficile d’apprivoiser. On prétend néanmoins qu’on les accoutume à revenir au coup de sifflet[6], c’est-à-dire qu’ils s’accoutument à venir prendre la nourriture que ce coup de sifflet leur annonce toujours ; mais, dès que leur besoin est satisfait, ils reviennent à leur naturel et ne connaissent plus la main qui les a nourris : ce sont des esclaves indomptables qui ne peuvent se plier à la servitude, qui ne connaissent aucun bien qui puisse entrer en comparaison avec la liberté, qui cherchent continuellement à la recouvrer, et qui n’en manquent jamais l’occasion[7]. Les sauvages qui viennent de la perdre sont furieux ; ils fondent à grands coups de bec sur les compagnons de leur captivité, et n’épargnent pas même le paon[8].

Ces oiseaux se plaisent dans les bois en plaine, différant en cela des tétras ou coqs de bruyère, qui se plaisent dans les bois en montagne ; pendant la

  1. Ibidem.
  2. Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 332.
  3. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 50.
  4. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 51.
  5. Olina, Uccellaria, p. 49.
  6. Voyez le Journal économique, mois de septembre 1753. Il y a grande apparence que c’était là tout le savoir-faire de ces faisans apprivoisés qu’on nourrissait, selon Élien, dans la ménagerie du roi des Indes. De Naturâ animalium, lib. xiii, cap. xviii.
  7. « Non estante che venghin’ allevati nella casa, et che siino nati sotto la gallina, non s’addomesticano mai, anzi ritengono la salvatichezza loro. » Olina, Uccellaria, p. 49. Cela est conforme à ce que j’ai vu moi-même.
  8. Voyez Longolius apud Aldrovandum, Ornithologia, t. II, p. 52.