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LE FAISAN


Il suffit de nommer cet oiseau pour se rappeler le lieu de son origine : le faisan[NdÉ 1], c’est-à-dire l’oiseau du Phase, était, dit-on, confiné dans la Colchide avant l’expédition des Argonautes[1] : ce sont ces Grecs qui, en remontant le Phase pour arriver à Colchos, virent ces beaux oiseaux répandus sur les bords du fleuve, et qui, en les rapportant dans leur patrie, lui firent un présent plus riche que celui de la Toison d’or.

Encore aujourd’hui, les faisans de la Colchide ou Mingrélie, et de quelques autres contrées voisines, sont les plus beaux et les plus gros que l’on connaisse[2] : c’est de là qu’ils se sont répandus d’un côté par la Grèce à l’Occident, depuis la mer Baltique[3] jusqu’au cap de Bonne-Espérance[4] et à Madagascar[5] ; et de l’autre par la Médie dans l’Orient, jusqu’à l’extrémité de la Chine[6] et au Japon[7], et même dans la Tartarie ; je dis par la Médie, car il paraît que cette contrée si favorable aux oiseaux, et où l’on trouve les plus beaux paons, les plus belles poules, etc., a été aussi une nouvelle patrie pour les faisans, qui s’y sont multipliés au point que ce pays seul en a fourni à beaucoup d’autres pays[8]. Ils sont en fort grande abon-

  1. Argivâ primùm sum transportata carinâ
    Ante mihi notum nil, nisi Phasis, erat.

    Martial.
  2. Marco Paolo assure que c’est dans les pays soumis aux Tartares qu’on trouve les plus gros faisans, et ceux qui ont la plus longue queue.
  3. Regnard tua, dans les forêts de la Botnie, deux faisans. Voyez son Voyage de Laponie, p. 105.
  4. On ne remarque aucune différence entre les faisans du cap de Bonne-Espérance et les nôtres. Voyez Kolbe, t. Ier, p. 152.
  5. Voyez Description de Madagascar, par Rennefort, p. 120. Il y a à Madagascar quantité de gros faisans, tels que les nôtres. Voyez Flacourt, Histoire de Madagascar, p. 165.
  6. Voyez les Voyages de Gerbillon, de la Chine dans la Tartarie occidentale, à la suite de l’empereur ou par ses ordres, passim. — Dans la Corée on voit en abondance des faisans des poules, des alouettes, etc. Hamel, Relation de la Corée, p. 587.
  7. Il y a aussi au Japon des faisans d’une grande beauté. Kæmpfer, Histoire du Japon, t. Ier, p. 112.
  8. « Athenæus olim hasce volucres ex Mediâ, quasi ibi copiosiores aut meliores essent, accersiri solitas tradit. » Aldrovand., Ornithol., t. II, p. 50.
  1. Phasianus colchicus L. [Note de Wikisource : actuellement Phasianus colchicus Linnæus, vulgairement faisan de Colchide]. — Les faisans sont des Gallinacés de la famille des Phasianidés. Ils se distinguent des Coqs par l’absence de crête et de lobes cutanés à la tête, et des Paons par l’absence d’aigrette. Ils ont des joues dénudées, verruqueuses ; une queue longue, munie de dix-huit rectrices qui se rétrécissent à l’extrémité.