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de trente ; je suis même porté à croire que leur vie pourrait s’étendre bien au delà des termes que je viens d’indiquer[1], et je suis persuadé qu’on ne peut attribuer cette longue durée de la vie dans des êtres aussi délicats, et que les moindres maladies font périr, qu’à la texture de leurs os, dont la substance moins solide, plus légère que celle des os des quadrupèdes, reste plus longtemps poreuse ; en sorte que l’os ne se durcit, ne se remplit, ne s’obstrue pas aussi vite à beaucoup près que dans les quadrupèdes ; cet endurcissement de la substance des os est, comme nous l’avons dit, la cause générale de la mort naturelle[NdÉ 1] : le terme en est d’autant plus éloigné que les os sont moins solides ; c’est par cette raison qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui arrivent à une vieillesse extrême ; c’est par cette même raison que les oiseaux vivent plus longtemps que les quadrupèdes, et les poissons plus longtemps que les oiseaux, parce que les os des poissons sont d’une substance encore plus légère, et qui conserve sa ductilité plus longtemps que celle des oiseaux.

Si nous voulons maintenant comparer un peu plus en détail les oiseaux avec les animaux quadrupèdes, nous y trouverons plusieurs rapports particuliers qui nous rappelleront l’uniformité du plan général de la nature ; il y a dans les oiseaux, comme dans les quadrupèdes, des espèces carnassières, et d’autres auxquelles les fruits, les grains, les plantes, suffisent pour se nourrir. La même cause physique, qui produit dans l’homme et dans les animaux la nécessité de vivre de chair et d’aliments très substantiels, se retrouve dans les oiseaux ; ceux qui sont carnassiers n’ont qu’un estomac et des intestins moins étendus que ceux qui se nourrissent de grains ou de fruits[2] ; le jabot dans ceux-ci, et qui manque ordinairement aux premiers, correspond à la panse des animaux ruminants ; ils peuvent vivre d’aliments légers et maigres, parce qu’ils peuvent en prendre un grand volume en remplissant leur jabot, et compenser ainsi la qualité par la quantité ; ils ont deux cæcums et un gésier qui est un estomac très musculeux, très ferme, qui leur sert à triturer les parties dures des grains qu’ils avalent, au lieu que les oiseaux de proie ont les intestins bien moins étendus, et n’ont ordinairement ni gésier, ni jabot, ni double cæcum.

  1. Un homme digne de foi m’a assuré qu’un perroquet âgé d’environ quarante ans avait pondu sans le concours d’aucun mâle, au moins de son espèce. — On a dit qu’un cygne avait vécu trois cents ans ; une oie, quatre-vingts ; un onocrotale autant. L’aigle et le corbeau passent pour vivre très longtemps. Encyclopédie, à l’article Oiseau. — Aldrovande rapporte qu’un pigeon avait vécu vingt-deux ans, et qu’il n’avait cessé d’engendrer que les six dernières années de sa vie. Willughby dit que les linottes vivent quatorze ans, et les chardonnerets vingt-trois, etc.
  2. En général, aux oiseaux qui se nourrissent de chair, les intestins sont courts, et ils n’ont que très peu de cæcum. Dans les oiseaux granivores, les intestins sont beaucoup plus étendus, et ils forment de longs replis ; il y a aussi souvent plusieurs cæcums. Voyez les Mémoires pour servir à l’Histoire des animaux, aux articles des oiseaux.
  1. Il est à peine besoin de faire ressortir combien est peu fondée cette assertion de Buffon.