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grand nombre d’individus pour assurer qu’il ne puisse pas y en avoir plus ou moins.

L’aigrette n’est pas un cône renversé comme on le pourrait croire ; sa base, qui est en haut, forme une ellipse fort allongée, dont le grand axe est posé selon la longueur de la tête : toutes les plumes qui la composent ont un mouvement particulier assez sensible par lequel elles s’approchent ou s’écartent les unes des autres, au gré de l’oiseau, et un mouvement général par lequel l’aigrette entière tantôt se renverse en arrière et tantôt se relève sur la tête.

Les sommets de cette aigrette ont, ainsi que tout le reste du plumage, des couleurs bien plus éclatantes dans le mâle que dans la femelle : outre cela, le coq paon se distingue de sa poule, dès l’âge de trois mois, par un peu de jaune qui paraît au bout de l’aile ; dans la suite il s’en distingue par la grosseur, par un éperon à chaque pied, par la longueur de sa queue, et par la faculté de la relever et d’en étaler les belles plumes, ce qui s’appelle faire la roue. Willughby croit que le paon ne partage qu’avec le dindon cette faculté remarquable[1] : cependant on verra, dans le cours de cette histoire, qu’elle leur est commune avec quelques tétras ou coqs de bruyère, quelques pigeons, etc.

Les plumes de la queue, ou plutôt ces longues couvertures qui naissent de dessus le dos auprès du croupion, sont en grand ce que celles de l’aigrette sont en petit ; leur tige est pareillement garnie, depuis sa base jusque près de l’extrémité, de filets détachés de couleur changeante, et elle se termine par une plaque de barbes réunies, ornée de ce qu’on appelle l’œil ou le miroir. C’est une tache brillante, émaillée des plus belles couleurs : jaune doré de plusieurs nuances, vert changeant en bleu et en violet éclatant, selon les différents aspects, et tout cela empruntant encore un nouveau lustre de la couleur du centre qui est un beau noir velouté.

Les deux plumes du milieu ont environ quatre pieds et demi, et sont les plus longues de toutes, les latérales allant toujours en diminuant de longueur jusqu’à la plus extérieure ; l’aigrette ne tombe point, mais la queue tombe chaque année, en tout ou en partie, vers la fin de juillet, et repousse au printemps ; et pendant cet intervalle l’oiseau est triste et se cache.

La couleur la plus permanente de la tête, de la gorge, du cou et de la poitrine, c’est le bleu avec différents reflets de violet, d’or et de vert éclatant ; tous ces reflets, qui renaissent et se multiplient sans cesse sur son plumage, sont une ressource que la nature semble s’être ménagée pour y faire paraître successivement, et sans confusion, un nombre de couleurs beaucoup plus grand que son étendue ne semblait le comporter : ce n’est qu’à la faveur de cette heureuse industrie que le paon pouvait suffire à recevoir tous les dons qu’elle lui destinait.

  1. Willughby, Ornithologia, p. 112.