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raison qu’on a donné à ces œufs le nom de zéphyriens (ova zephyria), non qu’on se soit persuadé qu’un doux zéphyr suffise pour imprégner les paonnes et tous les oiseaux femelles qui pondent sans la coopération du mâle ; mais parce qu’elles ne pondent guère de ces œufs que dans la nouvelle saison, annoncée ordinairement, et même désignée par les zéphyrs.

Je croirais aussi fort volontiers que la vue de leur mâle, piaffant autour d’elles, étalant sa belle queue, faisant la roue et leur montrant toute l’expression du désir, peut les animer encore davantage et leur faire produire un plus grand nombre de ces œufs stériles ; mais ce que je ne croirai jamais, c’est que ce manège agréable, ces caresses superficielles, et, si j’ose ainsi parler, toutes ces courbettes de petit-maître, puissent opérer une fécondation véritable tant qu’il ne s’y joindra pas une union plus intime et des approches plus efficaces ; et si quelques personnes ont cru que des paonnes avaient été fécondées ainsi par les yeux, c’est qu’apparemment ces paonnes avaient été couvertes réellement sans qu’on s’en fût aperçu[1].

L’âge de la pleine fécondité pour ces oiseaux est à trois ans, selon Aristote[2] et Columelle[3], et même selon Pline[4], qui, en répétant ce qu’a dit Aristote, y fait quelques changements ; Varron fixe cet âge à deux ans[5], et des personnes qui ont observé ces oiseaux m’assurent que les femelles commencent déjà à pondre dans notre climat, à un an, sans doute des œufs stériles ; mais presque tous s’accordent à dire que l’âge de trois ans est celui où les mâles ont pris leur entier accroissement, où ils sont en état de cocher leur poule, et où la puissance d’engendrer s’annonce en eux par une production nouvelle très considérable[6], celle des longues et belles plumes de leur queue, et par l’habitude qu’ils prennent aussitôt de les déployer en se pavanant et faisant la roue[7] : le superflu de la nourriture, n’ayant plus rien à produire dans l’individu, va s’employer désormais à la reproduction de l’espèce.

C’est au printemps que ces oiseaux se recherchent et se joignent[8] : si

  1. « L’on ne peut bonnement accorder ce que quelques pères de famille racontent ; c’est que les paons ne couvrent leurs femelles, ains qu’ils les emplissent en faisant la roue devant elles, etc. » Belon, Nature des oiseaux, p. 234.
  2. « Parit maxime a trimatu. » Hist. animal., lib. vi, cap. ix.
  3. De Re rusticâ, lib. viii, cap. xi. « Hoc genus Avium cum trimatum explevit, optime progenerat ; si quidem tenerior ætas aut sterilisant parum fœcunda. »
  4. « À trimatu parit : primo anno unum aut alterum ovum, sequenti quaterna quinave, cæteris duodena non amplius. » Plin., lib. x, cap. lix.
  5. « Ad admissuram hæ minores bimæ non idoneæ, nec jam majores natu. » Varro, de Re rusticâ, lib. iii, cap. vi.
  6. « Colores incipit fundere in trimatu. » Plin., lib. x, cap. xx.
  7. « Ab idibus februariis ante mensem martium. » Columelle, de Re rusticâ, lib. viii, cap. xi.
  8. Ibidem.