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chaque jour quatre ou cinq fois plus de chemin que le quadrupède le plus agile.

Tout contribue à cette facilité de mouvement dans l’oiseau, d’abord les plumes, dont la substance est très légère, la surface très grande, et dont les tuyaux sont creux ; ensuite l’arrangement[1] de ces mêmes plumes, la forme des ailes convexe en dessus et concave en dessous, leur fermeté, leur grande étendue et la force des muscles qui les font mouvoir ; enfin, la légèreté même du corps, dont les parties les plus massives, telles que les os, sont beaucoup plus légères que celles des quadrupèdes ; car les cavités dans les os des oiseaux sont proportionnellement beaucoup plus grandes que dans les quadrupèdes, et les os plats qui n’ont point de cavités sont plus minces et ont moins de poids. « Le squelette[2] de l’onocrotale, disent les anatomistes de l’Académie, est extrêmement léger : il ne pesait que vingt-trois onces, quoiqu’il soit très grand. » Cette légèreté des os diminue considérablement le poids du corps de l’oiseau, et l’on reconnaîtra, en pesant à la balance hydrostatique le squelette d’un quadrupède et celui d’un oiseau, que le premier est spécifiquement bien plus pesant que l’autre.

Un second effet très remarquable, et que l’on doit rapporter à la nature des os, est la durée de la vie des oiseaux, qui, en général, est plus longue et ne suit pas les mêmes règles, les mêmes proportions que dans les animaux quadrupèdes. Nous avons vu que dans l’homme et dans ces animaux la durée de la vie est toujours proportionnelle au temps employé à l’accroissement du corps, et en même temps nous avons observé qu’en général ils ne sont en état d’engendrer que lorsqu’ils ont pris la plus grande partie de leur accroissement. Dans les oiseaux, l’accroissement est plus prompt et la reproduction plus précoce ; un jeune oiseau peut se servir de ses pieds en sortant de la coque, et de ses ailes peu de temps après ; il peut marcher en naissant et voler un mois ou cinq semaines après sa naissance ; un coq est en état d’engendrer à l’âge de quatre mois, et ne prend son entier accroissement qu’en un an ; les oiseaux plus petits le prennent en quatre ou cinq mois ; ils croissent donc plus vite et produisent bien plus tôt que les animaux quadrupèdes, et néanmoins ils vivent bien plus longtemps proportionnellement ; car la durée totale de la vie étant dans l’homme et dans les quadrupèdes six ou sept fois plus grande que celle de leur entier accroissement, il s’ensuivrait que le coq ou le perroquet, qui ne sont qu’un an à croître, ne devraient vivre que six ou sept ans, au lieu que j’ai vu grand nombre d’exemples bien différents : des linottes prisonnières et néanmoins âgées de quatorze et quinze ans, des coqs de vingt ans et des perroquets âgés de plus

  1. Voyez, sur la structure et l’arrangement des plumes, les remarques et observations de MM. de l’Académie des Sciences dans les Mémoires pour servir à l’Histoire des animaux, partie ii, à l’article de l’autruche.
  2. Mémoires pour servir à l’Histoire des animaux, partie iii, article du pélican.