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phane avait dit à peu près la même chose ; mais Aristote, selon son excellente coutume de faire connaître un objet ignoré par sa comparaison avec des objets communs, comparait le plumage de l’attagen avec celui de la bécasse, σκολόπαξ[1]. Alexandre Myndien ajoute qu’il a les ailes courtes et le vol pesant, et Théophraste observe qu’il a la propriété qu’ont tous les oiseaux pesants, tels que la perdrix, le coq, le faisan, etc., de naître avec des plumes, et d’être en état de courir au moment qu’il vient d’éclore : de plus, en sa même qualité d’oiseau pesant, il est encore pulvérateur et frugivore[2], vivant de baies et de grains qu’il trouve tantôt sur les plantes mêmes, tantôt en grattant la terre avec ses ongles[3] ; et, comme il court plus qu’il ne vole, on s’est avisé de le chasser au chien courant, et on y a réussi[4].

Pline, Élien et quelques autres, disent que ces oiseaux perdent la voix en perdant la liberté, et que la même raideur de naturel qui les rend muets dans l’état de captivité, les rend aussi très difficiles à apprivoiser[5]. Varron donne cependant la manière de les élever, et qui est à peu près la même que celle dont on élevait les paons, les faisans, les poules de Numidie, les perdrix, etc.[6].

Pline assure que cet oiseau, qui avait été fort rare, était devenu plus commun de son temps, qu’on en trouvait en Espagne, dans la Gaule et sur les Alpes, mais que ceux d’Ionie étaient les plus estimés[7] : il dit ailleurs qu’il n’y en avait point dans l’île de Crète[8]. Aristophane parle de ceux qui se trouvaient aux environs de Mégare, dans l’Achaïe[9]. Clément d’Alexandrie nous apprend que ceux d’Égypte étaient ceux dont les gourmands faisaient le plus de cas : il y en avait aussi en Phrygie, selon Aulu-Gelle, qui dit que c’est un oiseau asiatique. Apicius donne la manière d’apprêter le francolin, qu’il joint à la perdrix[10] ; et saint Jérôme en parle dans ses lettres comme d’un morceau fort recherché[11].

Maintenant, pour juger si l’attagen des anciens est notre attagas ou fran-

  1. Aristote, Hist. animal., lib. ix, cap. xxvi.
  2. Les anciens ont appelé pulvératrices les oiseaux qui ont l’instinct de gratter la terre, d’élever la poussière avec leurs ailes ; et en se poudrant, pour ainsi dire, avec cette poussière, de se délivrer de la piqûre des insectes qui les tourmentent, de même que les oiseaux aquatiques s’en délivrent en arrosant leurs plumes avec de l’eau.
  3. Aristote, Hist. animal., lib. ix, cap. xlix.
  4. Oppien, In Ixenticis. Cet auteur ajoute qu’ils aiment les cerfs, et qu’ils ont au contraire de l’antipathie pour les coqs.
  5. Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xlviii. Socrate et Élien, dans Athénée.
  6. Varron, Geopon. Græc. à l’article du faisan.
  7. Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xlix.
  8. Idem, lib. viii, cap. lviii.
  9. Aristophane, in Acharnensibus.
  10. Apicius, vi, 3.
  11. « Attagenem eructas et comesto ansere gloriaris », disait saint Jérôme à un hypocrite qui faisait gloire de vivre simplement, et qui se rassasiait en secret de bons morceaux.