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mures d’inquiétude ou de sollicitude, surtout pour leurs petits ; mais le chant paraît être interdit à la plupart d’entre elles, tandis que dans le mâle c’est l’une des qualités qui fait le plus de sensation. Le chant est le produit naturel d’une douce émotion, c’est l’expression agréable d’un désir tendre qui n’est qu’à demi satisfait : le serin dans sa volière, le verdier dans les plaines, le loriot dans les bois, chantent également leurs amours à voix éclatante, à laquelle la femelle ne répond que par quelques petits sons de pur consentement ; dans quelques espèces, la femelle applaudit au chant du mâle par un semblable chant, mais toujours moins fort et moins plein ; le rossignol, en arrivant avec les premiers jours du printemps, ne chante point encore, il garde le silence jusqu’à ce qu’il soit apparié ; son chant est d’abord assez court, incertain, peu fréquent, comme s’il n’était pas encore sûr de sa conquête, et sa voix ne devient pleine, éclatante et soutenue jour et nuit, que quand il voit déjà sa femelle, chargée du fruit de ses amours, s’occuper d’avance des soins maternels ; il s’empresse à les partager, il l’aide à construire le nid, jamais il ne chante avec plus de force et de continuité que quand il la voit travaillée des douleurs de la ponte, et ennuyée d’une longue et continuelle incubation ; non seulement il pourvoit à sa subsistance pendant tout ce temps, mais il cherche à le rendre plus court en multipliant ses caresses, en redoublant ses accents amoureux ; et ce qui prouve que le chant dépend en effet et en entier des amours, c’est qu’il cesse avec elles : dès que la femelle couve, elle ne chante plus, et vers la fin de juin le mâle se tait aussi, ou ne se fait entendre que par quelques sons rauques semblables au coassement d’un reptile, et si différents des premiers qu’on a de la peine à se persuader que ces sons viennent du rossignol, ni même d’un autre oiseau.

Ce chant, qui cesse et se renouvelle tous les ans, et qui ne dure que deux ou trois mois ; cette voix dont les beaux sons n’éclatent que dans la saison de l’amour, qui s’altère ensuite et s’éteint comme la flamme de ce feu satisfait, indique un rapport physique entre les organes de la génération et ceux de la voix, rapport qui paraît avoir une correspondance plus précise et des effets encore plus étendus dans l’oiseau. On sait que, dans l’homme, la voix ne devient pleine qu’après la puberté ; que, dans les quadrupèdes, elle se renforce et devient effrayante dans le temps du rut : la réplétion des vaisseaux spermatiques, la surabondance de la nourriture organique, excitent une grande irritation dans les parties de la génération ; celles de la gorge et de la voix paraissent se ressentir plus ou moins de cette chaleur irritante ; la croissance de la barbe, la force de la voix, l’extension de la partie génitale dans le mâle, l’accroissement des mamelles, le développement des corps glanduleux dans la femelle, qui tous arrivent en même temps, indiquent assez la correspondance des parties de la génération avec celles de la gorge et de la voix. Dans les oiseaux, les changements sont encore plus grands :