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grecque n’a pas été fidèlement rendue en latin par Gaza, car : 1o Aristote ne parle point ici d’arbrisseau (frutici), mais seulement de plantes basses[1], ce qui ressemble plus au gramen et à la mousse qu’à des arbrisseaux ; 2o Aristote ne dit point que le tetrix fasse de nid sur ces plantes basses, il dit seulement qu’il y niche, ce qui peut paraître la même chose à un littérateur, mais non à un naturaliste, vu qu’un oiseau peut nicher, c’est-à-dire pondre et couver ses œufs sans faire de nid ; et c’est précisément le cas du tetrix, selon Aristote lui-même, qui dit quelques lignes plus haut que l’alouette et le tetrix ne déposent point leurs œufs dans des nids, mais qu’ils pondent sur la terre, ainsi que tous les oiseaux pesants, et qu’ils cachent leurs œufs dans l’herbe drue[2].

Or, ce qu’a dit Aristote du tetrix dans ces deux passages, ainsi rectifiés l’un par l’autre, présente plusieurs indications qui conviennent à notre tétras, dont la femelle ne fait point de nid, mais dépose ses œufs sur la mousse et les couvre de feuilles avec grand soin lorsqu’elle est obligée de les quitter : d’ailleurs le nom latin tetrao, par lequel Pline désigne le coq de bruyère, a un rapport évident avec le nom grec tetrix, sans compter l’analogie qui se trouve entre le nom athénien ourax et le nom composé ourh-hahn, que les Allemands appliquent au même oiseau, analogie qui probablement n’est qu’un effet du hasard.

Mais ce qui pourrait jeter quelques doutes sur l’identité du tetrix d’Aristote avec le tetrao de Pline, c’est que ce dernier, parlant de son tetrao avec quelque détail, ne cite point ce que Aristote avait dit du tetrix, ce que vraisemblablement il n’eût pas manqué de faire selon sa coutume, s’il eût regardé son tetrao comme étant le même oiseau que le tetrix d’Aristote, à moins qu’on ne veuille dire que Aristote ayant parlé fort superficiellement du tetrix, Pline n’a pas dû faire grande attention au peu qu’il en avait dit.

À l’égard du grand tetrax dont parle Athénée (lib. ix), ce n’est certainement pas notre tétras, puisqu’il a des espèces de barbillons charnus et semblables à ceux du coq, lesquels prennent naissance auprès des oreilles et descendent au-dessous du bec, caractère absolument étranger au tétras, et qui désigne bien plutôt la méléagride ou poule de Numidie, qui est notre peintade.

Le petit tetrax, dont parle le même auteur, n’est, selon lui, qu’un très petit oiseau, et par sa petitesse même exclu de toute comparaison avec notre tétras, qui est un oiseau de la première grandeur.

À l’égard du tetrax du poète Nemesianus, qui insiste sur sa stupidité, Gesner le regarde comme une espèce d’outarde ; mais je lui trouve encore

  1. ἐν τοῖς χαμαίζηλος φυτοῖς, in humilibus plantis.
  2. οὐκ ἐν νεοττείαις… ἀλλ’ ἐν τῇ γῇ, ἐπηλυγαζόμενα ὕλην « non in nudis… sed in terra obumbrantes plantis. » Gesner dit précisément : « nidum ejus congestum potius quam constructum vidimus. » De Avibus, lib. iii, p. 487.