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et ils ont aussi la coquille beaucoup plus dure ; mais il y a une différence remarquable entre ceux de la peintade domestique et ceux de la peintade sauvage : ceux-ci ont de petites taches rondes comme celles du plumage, et qui n’avaient point échappé à Aristote[1], au lieu que ceux de la peintade domestique sont d’abord d’un rouge assez vif, qui devient ensuite plus sombre, et enfin couleur de rose sèche, en se refroidissant. Si ce fait est vrai, comme me l’a assuré M. Fournier, qui en a beaucoup élevé, il faudrait en conclure que les influences de la domesticité sont ici assez profondes pour altérer non seulement les couleurs du plumage, comme nous l’avons vu ci-dessus, mais encore celle de la matière dont se forme la coquille des œufs ; et comme cela n’arrive pas dans les autres espèces, c’est encore une raison de plus pour regarder la nature de la peintade comme moins fixe et plus sujette à varier que celle des autres oiseaux.

La peintade a-t-elle soin ou non de sa couvée ? c’est un problème qui n’est pas encore résolu : Belon dit oui, sans restriction[2] ; Frisch est aussi pour l’affirmative à l’égard de sa grande espèce, qui aime les lieux secs, et il assure que le contraire est vrai de la petite espèce, qui se plaît dans les marécages ; mais le plus grand nombre des témoignages lui attribue de l’indifférence sur cet article ; et le jésuite Margat nous apprend qu’à Saint-Domingue on ne lui permet pas de couver elle-même ses œufs, par la raison qu’elle ne s’y attache point, et qu’elle abandonne souvent ses petits : on préfère, dit-il, de les faire couver par des poules d’Inde ou par des poules communes[3].

Je ne trouve rien sur la durée de l’incubation ; mais, à juger par la grosseur de l’oiseau et par ce que l’on sait des espèces auxquelles il a le plus de rapport, on peut la supposer de trois semaines, plus ou moins, selon la chaleur de la saison ou du climat, l’assiduité de la couveuse, etc.[NdÉ 1].

Au commencement, les jeunes peintadeaux n’ont encore ni barbillons, ni sans doute de casque ; ils ressemblent alors par le plumage, par la couleur des pieds et du bec, à des perdreaux rouges ; et il n’est pas aisé de distinguer les jeunes mâles des vieilles femelles[4] ; car c’est dans toutes les espèces que la maturité des femelles ressemble à l’enfance des mâles.

Les peintadeaux sont fort délicats et très difficiles à élever dans nos pays septentrionaux, comme étant originaires des climats brûlants de l’Afrique ; ils se nourrissent ainsi que les vieux, à Saint-Domingue, avec

  1. Historia animalium, lib. vi, cap. ii.
  2. « Sont moult fécondes et soigneuses de bien nourrir leurs petits. » Histoire des oiseaux, p. 248.
  3. Lettres édifiantes, Recueil XX, loco citato.
  4. Ceci nous a été assuré par le sieur Fournier, que nous avons cité ci-devant.
  1. L’incubation dure de vingt-quatre à vingt-six jours.