Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gride prononce à peu près son nom[1] ; le docteur Cai, que son cri approche de celui de la perdrix, sans être néanmoins aussi éclatant[2] ; Belon, qu’il est quasi comme celui des petits poussins nouvellement éclos ; mais il assure positivement qu’il est dissemblable à celui des poules communes[3] ; et je ne sais pourquoi Aldrovande[4] et M. Salerne[5] lui font dire le contraire.

C’est un oiseau vif, inquiet et turbulent, qui n’aime point à se tenir en place, et qui sait se rendre maître dans la basse-cour ; il se fait craindre des dindons même, et, quoique beaucoup plus petit, il leur en impose par sa pétulance : « La peintade, dit le P. Margat, a plutôt fait dix tours et donné vingt coups de bec que ces gros oiseaux n’ont pensé à se mettre en défense. » Ces poules de Numidie semblent avoir la même façon de combattre que l’historien Salluste attribue aux cavaliers numides : « Leur charge, dit-il, est brusque et irrégulière ; trouvent-ils de la résistance ils tournent le dos, et un instant après ils sont sur l’ennemi[6]. » On pourrait à cet exemple en joindre beaucoup d’autres qui attestent l’influence du climat sur le naturel des animaux, ainsi que sur le génie national des habitants : l’éléphant joint à beaucoup de force et d’industrie une disposition à l’esclavage ; le chameau est laborieux, patient et sobre ; le dogue ne démord point.

Élien raconte que, dans une certaine île, la méléagride est respectée des oiseaux de proie[7] ; mais je crois que dans tous les pays du monde les oiseaux de proie attaqueront par préférence toute autre volaille qui aura le bec moins fort, point de casque sur la tête, et qui ne saura pas si bien se défendre.

La peintade est du nombre des oiseaux pulvérateurs qui cherchent dans la poussière où ils se vautrent un remède contre l’incommodité des insectes ; elle gratte aussi la terre comme nos poules communes, et va par troupes très nombreuses : on en voit dans l’île de May des volées de deux ou trois cents ; les insulaires les chassent au chien courant, sans autres armes que des bâtons[8] ; comme elles ont les ailes fort courtes, elles volent pesamment mais elles courent très vite, et, selon Belon, en tenant la tête élevée comme la girafe[9] ; elles se perchent la nuit pour dormir, et quelquefois la journée sur les murs de clôture, sur les haies, et même sur les toits des maisons et sur les arbres ; elles sont soigneuses, dit encore Belon, en pourchassant

  1. De natura animalium, lib. iv, cap. xlii.
  2. Voyez Gesner, de Avibus, p. 481.
  3. Histoire des oiseaux, p. 248.
  4. Ornithologia, t. II, p. 338.
  5. Histoire naturelle des oiseaux, p. 134.
  6. Voyez Lettres édifiantes, XXe Recueil, loco citato.
  7. Voyez Historia animalium, lib. v, cap. xxvii.
  8. Voyez Dampier, Nouveau voyage autour du monde, t. IV, p. 23 ; et le Voyage de Brue dans la Nouvelle relation de l’Afrique occidentale, par Labat.
  9. Histoire des oiseaux, p. 248.