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Pline, que ce naturaliste regardait la méléagride comme un oiseau aquatique[1] ; celle à barbillons rouges est au contraire, selon M. Frisch, plus grosse qu’un faisan, se plaît dans les lieux secs, élève soigneusement ses petits, etc.

Dampier assure que dans l’île de May, l’une de celles du cap Vert, il y a des peintades dont la chair est extraordinairement blanche, d’autres dont la chair est noire, et que toutes l’ont tendre et délicate[2] ; le P. Labat en dit autant[3] : cette différence, si elle est vraie, me paraîtrait d’autant plus considérable qu’elle ne pourrait être attribuée au changement de climat, puisque dans cette île, qui avoisine l’Afrique, les peintades sont comme dans leur pays natal, à moins qu’on ne veuille dire que les mêmes causes particulières qui teignent en noir la peau et le périoste de la plupart des oiseaux de l’île de Sant-Iago, voisine de l’île de May, noircissent aussi dans cette dernière la chair des peintades.

Le P. Charlevoix prétend qu’il y en a une espèce à Saint-Domingue, plus petite que l’espèce ordinaire[4] ; mais ce sont apparemment ces peintades marronnes, provenant de celles qui y furent transportées par les Castillans peu après la conquête de l’île : cette race étant devenue sauvage, et s’étant comme naturalisée dans le pays, aura éprouvé l’influence naturelle de ce climat, laquelle tend à affaiblir, amoindrir, détériorer les espèces, comme je l’ai fait voir ailleurs ; et ce qui est digne de remarque, c’est que cette race, originaire de Guinée, et qui, transportée en Amérique, y avait subi l’état de domesticité, n’a pu dans la suite être ramenée à cet état, et que les colons de Saint-Domingue ont été obligés d’en faire venir de moins farouches d’Afrique pour les élever et les multiplier dans les basses-cours[5]. Est-ce pour avoir vécu dans un pays plus désert, plus agreste, et dont les habitants étaient sauvages, que ces peintades marronnes sont devenues plus sauvages elles-mêmes ? ou ne serait-ce pas aussi pour avoir été effarouchées par les chasseurs européens, et surtout par les Français, qui en ont détruit un grand nombre, selon le P. Margat, jésuite[6] ?

Marcgrave en a vu de huppées qui venaient de Sierra-Leone, et qui avaient autour du cou une espèce de collier membraneux, d’un cendré bleuâtre[7] ; et c’est encore ici une de ces variétés que j’appelle primitives, et qui méritent

  1. « Menesias Africæ locum Sicyonem appellat, et Crathim amnem in oceanum effluentem, lacu in quo aves quas meleagridas et penelopas vocat, vivere. » Hist. naturalis, lib. xxxvii, cap. ii.
  2. Voyez Nouveau voyage autour du monde, t. IV, p. 23.
  3. Ibidem, t. II, p. 326.
  4. Voyez Histoire de l’île espagnole de Saint-Domingue, p. 28 et 29.
  5. Voyez Lettres édifiantes, XXe Recueil, loco citato.
  6. Ibidem.
  7. « Earum collum circumligatum seu circumvolutum quasi linteamine membranaceo coloris cinerei cærulescentis : caput tegit crista obrotunda, multiplex, constans pennis eleganter nigris. » Marcgrave, Hist. naturalis Brasiliensis, p. 192.