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sereins et calmes, pour que le vent ne puisse déranger le rapport que nous venons d’indiquer dans la propagation du son ; il m’a souvent paru que je ne pouvais entendre à midi que de six cents pas de distance la même voix que j’entendais de douze ou quinze cents à six heures du matin ou du soir, sans pouvoir attribuer cette grande différence à d’autre cause qu’à la raréfaction de l’air plus grande à midi, et moindre le soir ou le matin ; et puisque ce degré de raréfaction fait une différence de plus de moitié sur la distance à laquelle peut s’étendre le son à la surface de la terre, c’est-à-dire dans la partie la plus basse et la plus dense de l’atmosphère, qu’on juge de combien doit être la perte du son dans les parties supérieures où l’air devient plus rare à mesure qu’on s’élève et dans une proportion bien plus grande que celle de la raréfaction causée par la chaleur du jour ! Les oiseaux dont nous entendons la voix d’en haut, et souvent sans les apercevoir, sont alors élevés à une hauteur égale à trois mille quatre cent trente-six fois leur diamètre, puisque ce n’est qu’à cette distance que l’œil humain cesse de voir les objets. Supposons donc que l’oiseau avec ses ailes étendues fasse un objet de quatre pieds de diamètre, il ne disparaîtra qu’à la hauteur de treize mille sept cent quarante-quatre pieds ou de plus de deux mille toises ; et si nous supposons une troupe de trois ou quatre cents gros oiseaux, tels que des cigognes, des oies, des canards, dont quelquefois nous entendons la voix avant de les apercevoir, l’on ne pourra nier que la hauteur à laquelle ils s’élèvent ne soit encore plus grande, puisque la troupe, pour peu qu’elle soit serrée, forme un objet dont le diamètre est bien plus grand. Ainsi l’oiseau, en se faisant entendre d’une lieue du haut des airs, et produisant des sons dans un milieu qui en diminue l’intensité et en raccourcit de plus de moitié la propagation, a par conséquent la voix quatre fois plus forte que l’homme ou le quadrupède qui ne peut se faire entendre à une demi-lieue sur la surface de la terre ; et cette estimation est peut-être plus faible que trop forte, car, indépendamment de ce que nous venons d’exposer, il y a encore une considération qui vient à l’appui de nos conclusions, c’est que le son rendu dans le milieu des airs doit, en se propageant, remplir une sphère dont l’oiseau est le centre, tandis que le son produit à la surface de la terre ne remplit qu’une demi-sphère, et que la partie du son qui se réfléchit contre la terre aide et sert à la propagation de celui qui s’étend en haut et à côté ; c’est par cette raison qu’on dit que la voix monte, et que de deux personnes qui se parlent du haut d’une tour en bas, celui qui est au-dessus est forcé de crier beaucoup plus fort que l’autre, s’il veut s’en faire également entendre.

Et à l’égard de la douceur de la voix et de l’agrément du chant des oiseaux, nous observerons que c’est une qualité en partie naturelle et en partie acquise : la grande facilité qu’ils ont à retenir et répéter les sons fait que non seulement ils en empruntent les uns des autres, mais que souvent