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continuellement à plus d’une lieue de distance, quoique les poumons soient conformés comme ceux des autres animaux quadrupèdes ; à plus grande raison, ce même effet se trouve dans l’oiseau où il y a un grand appareil dans les organes qui doivent produire les sons, et où toutes les parties de la poitrine paraissent être formées pour concourir à la force et à la durée de la voix[1].

Il me semble qu’on peut démontrer, par des faits combinés, que la voix des oiseaux est non seulement plus forte que celle des quadrupèdes, relativement au volume de leur corps, mais même absolument, et sans y faire entrer ce rapport de grandeur : communément les cris de nos quadrupèdes domestiques ou sauvages ne se font pas entendre au delà d’un quart ou d’un tiers de lieue, et ce cri se fait dans la partie de l’atmosphère la plus dense, c’est-à-dire la plus propre à propager le son ; au lieu que la voix des oiseaux qui nous parvient du haut des airs se fait dans un milieu plus rare, et où il faut une plus grande force pour produire le même effet. On sait, par des expériences faites avec la machine pneumatique, que le son diminue à mesure que l’air devient plus rare ; et j’ai reconnu, par une observation que je crois nouvelle, combien la différence de cette raréfaction influe en plein air. J’ai souvent passé des jours entiers dans les forêts, où l’on est obligé de s’appeler de loin et d’écouter avec attention pour entendre le son du cor et la voix des chiens ou des hommes ; j’ai remarqué que, dans le temps de la plus grande chaleur du jour, c’est-à-dire depuis dix heures jusqu’à quatre, on ne peut entendre que d’assez près les mêmes voix, les mêmes sons que l’on entend de loin le matin, le soir, et surtout la nuit, dont le silence ne fait rien ici, parce qu’à l’exception des cris de quelques reptiles ou de quelques oiseaux nocturnes, il n’y avait pas le moindre bruit dans ces forêts ; j’ai de plus observé qu’à toutes les heures du jour et de la nuit on entendait plus loin en hiver par la gelée que par le plus beau temps de toute autre saison. Tout le monde peut s’assurer de la vérité de cette observation, qui ne demande, pour être bien faite, que la simple attention de choisir les jours

  1. Dans la plupart des oiseaux de rivière, qui ont la voix très forte, la trachée résonne ; c’est que la glotte est placée au bas de la trachée, et non pas au haut comme dans l’homme. Coll. Acad. Part. Fr., t. I, p. 496. — Il en est de même dans le coq. Hist. de l’Acad., t. II, p. 7. — Dans les oiseaux, et spécialement dans les Canards et autres oiseaux de rivière, les organes de la voix consistent en un larynx interne, à l’endroit de la bifurcation de la trachée-artère ; en deux anches membraneuses, qui communiquent par le bas à l’origine des deux premières branches de la trachée ; en plusieurs membranes semi-lunaires, disposées les unes au-dessus des autres, dans les principales branches du poumon charnu, et qui ne remplissent que la moitié de leur cavité, laissant à l’air un libre passage par l’autre demi-cavité ; en d’autres membranes disposées en différents sens, soit dans la partie moyenne, soit dans la partie inférieure de la trachée ; enfin en une membrane plus ou moins solide située presque transversalement entre les deux branches de la lunette, laquelle termine une cavité qui se rencontre constamment à la partie supérieure et interne de la poitrine. Mém. de l’Acad. des Sciences, année 1753, p. 290.