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ses membranes ; les ailes croissent, les cuisses commencent à paraître et le corps à prendre de la chair.

Les progrès du cinquième jour consistent, outre ce qui vient d’être dit, en ce que le corps se recouvre d’une chair onctueuse ; que le cœur est retenu au dedans par une membrane fort mince qui s’étend sur la capacité de la poitrine, et que l’on voit les vaisseaux ombilicaux sortir de l’abdomen[1].

Le sixième jour, la moelle de l’épine, s’étant divisée en deux parties, continue de s’avancer le long du tronc ; le foie, qui était blanchâtre auparavant, est devenu de couleur obscure, le cœur bat dans ses deux ventricules, le corps du poulet est recouvert de la peau, et sur cette peau l’on voit déjà poindre les plumes.

Le bec est facile à distinguer le septième jour ; le cerveau, les ailes, les cuisses et les pieds ont acquis leur figure parfaite ; les deux ventricules du cœur paraissent comme deux bulles contiguës et réunies par leur partie supérieure avec le corps des oreillettes : on remarque deux mouvements successifs dans les ventricules aussi bien que dans les oreillettes ; ce sont comme deux cœurs séparés.

Le poumon paraît à la fin du neuvième jour, et sa couleur est blanchâtre ; le dixième jour les muscles des ailes achèvent de se former, les plumes continuent de sortir, et ce n’est que le onzième jour qu’on voit des artères, qui auparavant étaient éloignées du cœur, s’y attacher, et que cet organe se trouve parfaitement conformé et réuni en deux ventricules.

Le reste n’est qu’un développement plus grand des parties, qui se fait jusqu’à ce que le poulet casse sa coquille après avoir pipé, ce qui arrive ordinairement le vingt et unième jour, quelquefois le dix-huitième, d’autres fois le vingt-septième.

Toute cette suite de phénomènes, qui forme un spectacle si intéressant pour un observateur, est l’effet de l’incubation opérée par une poule, et l’industrie humaine n’a pas trouvé qu’il fût au-dessous d’elle d’en imiter les procédés : d’abord de simples villageois d’Égypte, et ensuite des physiciens de nos jours, sont venus à bout de faire éclore des œufs aussi bien que la meilleure couveuse, et d’en faire éclore un très grand nombre à la fois ; tout le secret consiste à tenir ces œufs dans une température qui réponde à peu près au degré de la chaleur de la poule, et à les garantir de toute humidité et de toute exhalaison nuisible, telle que celle du charbon, de la braise, même de celle des œufs gâtés : en remplissant ces deux conditions essentielles, et en y joignant l’attention de retourner souvent les œufs et de faire circuler dans le four ou l’étuve les corbeilles qui les contiendront, en sorte que non seulement chaque œuf, mais chaque partie du même œuf participe

  1. Les vaisseaux qui se répandent dans le jaune de l’œuf, et qui par conséquent se trouvent hors de l’abdomen du poulet, rentrent peu à peu dans cette cavité, selon la remarque de Stenon. Voyez Collection académique, partie étrangère, t. V, p. 572.