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qu’ils ne peuvent recevoir les odeurs que par la fente intérieure qui est dans la bouche ; et dans ceux qui ont des conduits ouverts au-dessus du bec[1], et qui ont plus d’odorat que les autres, les nerfs olfactifs sont néanmoins bien plus petits proportionnellement, et moins nombreux, moins étendus que dans les quadrupèdes : aussi l’odorat ne produit dans l’oiseau que quelques effets assez rares, assez peu remarquables[NdÉ 2], au lieu que, dans le chien et dans plusieurs autres quadrupèdes, ce sens paraît être la source et la cause principale de leurs déterminations et de leurs mouvements. Ainsi

  1. Il y a ordinairement, à la partie supérieure du bec, deux petites ouvertures qui sont les narines de l’oiseau ; quelquefois ces ouvertures extérieures de l’oiseau manquent tout à fait ; en sorte que dans ce cas les odeurs ne pénètrent jusqu’au sens de l’odorat que par la fente intérieure qui est dans la bouche comme dans quelques palettes, les cormorans, l’onocrotale. — Dans le grand vautour, les nerfs olfactifs sont très petits à proportion. Hist. de l’Acad. des Sc., t. I, p. 430[NdÉ 1].
  1. L’organe de l’odorat des oiseaux est constitué, comme celui des mammifères, par deux fosses nasales situées au-dessus de la bouche avec laquelle elles communiquent par deux ouvertures allongées en forme de fentes. Chez quelques oiseaux, par exemple chez le fou et le cormoran, il n’existe qu’une seule fente. Les ouvertures extérieures des fosses nasales sont situées soit à la base même de la mandibule supérieure (narines basilaires), soit vers le milieu de sa longueur (narines médianes), soit sur les bords (narines marginales). Ces variations dans la position trouvent leur emploi dans la classification des oiseaux. Les orifices des narines sont fréquemment très étroits et parfois même plus ou moins fermés par des soies, des plaques dures ou des écailles cartilagineuses (Gallinacés). Les fosses nasales sont très spacieuses ; elles sont habituellement séparées par une cloison verticale complète, comme dans les mammifères. Cependant, dans quelques cas, la cloison est incomplète. Les parois externes sont formées par trois cornets inégalement développés. Dans les Rapaces, ce sont les cornets supérieurs qui sont les plus développés ; dans les Gallinacés, ce sont les cornets moyens, et dans les Passereaux ce sont les inférieurs. Le nerf olfactif entre dans les fosses nasales par un seul orifice de l’os ethmoïde. Dans l’Apterix seul, il existe une lame criblée donnant passage, par de nombreux orifices, aux branches du nerf olfactif comme dans les mammifères. Le nerf olfactif se distribue dans la muqueuse des cornets supérieur et moyen. Les cellules olfactives sont munies de cils vibratiles. Richard Owen fait remarquer que, sous le rapport de l’olfaction, les vertébrés ovipares à sang chaud témoignent de la plus grande parenté avec les vertébrés ovipares à sang froid.
  2. L’opinion de Buffon a été pleinement confirmée par toutes les observations ultérieures. L’expérience d’Audubon est restée célèbre. Il plaça, dans un endroit fréquenté par les vautours, un crâne de daim préparé depuis longtemps pour être conservé dans une collection, bourré de foin et dépourvu de toute odeur. Les vautours attaquèrent cette fausse proie comme s’il se fût agi d’une tête de daim garnie de ses chairs ; ce n’est qu’après avoir ouvert à coups de bec le crâne qu’ils connurent la mystification dont ils étaient l’objet. Avec un odorat tant soit peu délicat pareille erreur n’eût certainement pas été possible.

    M. A. Milne-Edwards raconte, dans ses cours, une expérience faite par lui-même qui démontre bien nettement le peu d’odorat des vautours : « On plaça dans la cage des vautours une caisse fermée supérieurement par une toile ; celle-ci fut tout d’abord lacérée à plusieurs reprises ; puis, s’habituant à l’objet dont la nouveauté leur avait inspiré de si vives alarmes, les oiseaux ne lui prêtèrent plus nulle attention. On introduisit alors dans la boîte, toujours couverte d’un simple prélart, des viandes dont l’odeur ne tarda pas à se répandre au loin, sans paraître être aucunement perçue par les Rapaces ; on les priva de leur nourriture habituelle ; inquiets, affamés, ils erraient sans cesse dans le parc sans jamais songer à déchirer le mince tissu qui les séparait de leur proie. » (Chatin, les Organes des sens dans la série animale.)