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l’outarde, qu’on lui a donné le nom de cane et de canard, quoiqu’il n’ait pas plus d’affinité qu’elle avec les oiseaux aquatiques, et qu’on ne le voie jamais autour des eaux[1]. Belon prétend qu’on l’a ainsi nommé parce qu’il se tapit contre terre comme font les canes dans l’eau[2], et M. Salerne, parce qu’il ressemble en quelque chose à un canard sauvage, et qu’il vole comme lui[3] : mais l’incertitude et le peu d’accord de ces conjectures étymologiques font voir qu’un rapport aussi vague et surtout un rapport unique, n’est point une raison suffisante pour appliquer à un oiseau le nom d’un autre oiseau ; car, si un lecteur qui trouve ce nom ne saisit point le rapport qu’on a voulu indiquer, il prendra nécessairement une fausse idée : or, il y a beaucoup à parier que ce rapport, étant unique, ne sera saisi que très rarement.

La dénomination de petite outarde que j’ai préférée n’est point sujette à cet inconvénient, car l’oiseau dont il s’agit ayant tous les principaux caractères de l’outarde, à l’exception de la grandeur, le nom composé de petite outarde lui convient dans presque toute la plénitude de sa signification, et ne peut guère produire d’erreurs.

Belon a soupçonné que cet oiseau était le tetrax d’Athénée, se fondant sur un passage de cet auteur où il le compare pour la grandeur au spermologus[4], que Belon prend pour un freux, espèce de grosse corneille ; mais Aldrovande assure au contraire que le spermologus est une espèce de moineau, et que, par conséquent, le tetrax auquel Athénée le compare pour la grandeur ne saurait être la petite outarde[5] : aussi Willughby prétend-il que cet oiseau n’a point été nommé par les anciens[6].

Le même Aldrovande nous dit que les pêcheurs de Rome ont donné, sans qu’on sache pourquoi, le nom de stella, à un oiseau qu’il avait pris d’abord pour la petite outarde, mais qu’ensuite il a jugé différent en y regardant de

    qui pensent que ce nom lui vient de ce qu’il pétrit son aire ou son repaire ; d’autres disent que c’est parce qu’il pète ; mais je préfère la première étymologie, d’autant plus que les Orléanais appellent le petit moineau de muraille, dit friquet, un petrac ou petrat. »

    Cette étymologie de canepetière, parce que cet oiseau pète, dit-on, ne paraît uniquement fondée que sur l’analogie du mot, car aucun naturaliste n’a rien dit de pareil dans l’histoire de cet oiseau, notamment Belon, qui a été copié par presque tous les autres.

    D’ailleurs, je remarque que le proyer, dont le même M. Salerne parle aux pages 291 et 292, est appelé péteux, quoiqu’il ne soit point dit dans son histoire qu’il pète, mais bien qu’il se plaît dans les prés, les sainfoins et les luzernes. Or, la canepetière est aussi appelée anas pratensis.

  1. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 155.
  2. Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 237.
  3. Salerne, loco citato.
  4. « Tetrax, inquit Alexander Myndius, avis est magnitudine spermologi, colore figlino, sordidis quibusdam maculis lineisque magnis variegato : frugibus vescitur, et quando peperit, quadruplicem emittit vocem. » Athénée, lib. ix.
  5. Ornithologia, lib. xiii, p. 61.
  6. Idem, p. 130. « Veteribus indicta videtur. »