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de l’œil, et paraît être un épanouissement du nerf optique[NdÉ 1], qui, recevant plus immédiatement les impressions de la lumière, doit dès lors être plus aisément ébranlé, plus sensible qu’il ne l’est dans les autres animaux, et c’est cette grande sensibilité qui rend la vue des oiseaux bien plus parfaite et beaucoup plus étendue. Un épervier voit d’en haut, et de vingt fois plus loin une alouette sur une motte de terre, qu’un homme ou un chien ne peuvent l’apercevoir. Un milan, qui s’élève à une hauteur si grande que nous le perdons de vue, voit de là les petits lézards, les mulots, les oiseaux, et choisit ceux sur lesquels il veut fondre ; et cette plus grande étendue dans le sens de la vue est accompagnée d’une netteté, d’une précision tout aussi grandes, parce que l’organe étant en même temps très souple et très sensible, l’œil se renfle ou s’aplatit, se couvre ou se découvre, se rétrécit ou s’élargit, et prend aisément, promptement et alternativement, toutes les formes nécessaires pour agir et voir parfaitement à toutes les lumières et à toutes les distances[NdÉ 2].

D’ailleurs le sens de la vue étant le seul qui produise les idées du mouvement, le seul par lequel on puisse comparer immédiatement les espaces parcourus, et les oiseaux étant de tous les animaux les plus habiles, les plus propres au mouvement, il n’est pas étonnant qu’ils aient en même temps le sens qui le guide plus parfait et plus sûr ; ils peuvent parcourir dans un très petit temps un grand espace ; il faut donc qu’ils en voient l’étendue et même les limites. Si la nature, en leur donnant la rapidité du vol, les eût rendus myopes, ces deux qualités eussent été contraires, l’oiseau n’aurait jamais osé se servir de sa légèreté ni prendre un essor rapide, il n’aurait fait que voltiger lentement, dans la crainte des chocs et des résis-

    de cet entonnoir sortait une membrane plissée, faisant comme une bourse qui aboutissait en pointe. Cette bourse, qui était large de six lignes par le bas, à la sortie du nerf optique, et qui allait en pointe vers le haut, était noire, mais d’un autre noir que n’est celui de la choroïde, qui paraît comme enduite d’une couleur détrempée qui s’attache aux doigts ; car c’était une membrane pénétrée de sa couleur, et dont la surface était solide. Mém. pour servir à l’Hist. des animaux, p. 175 et 303.

  1. Cette membrane est aujourd’hui connue sous le nom de peigne. Elle part de la papille du nerf optique et s’enfonce dans le corps vitré, en s’étalant en éventail, mais elle n’est point, comme le dit Buffon, produite par un épanouissement du nerf optique. En pénétrant dans la chambre postérieure de l’œil, le peigne repousse devant lui la membrane hyaloïde, de sorte qu’il n’est pas en contact direct avec l’humeur vitrée. Dans la majorité des cas, le peigne ne se prolonge pas jusqu’au cristallin ; dans d’autres, au contraire, il va s’insérer sur la face postérieure de la membrane qui enveloppe le cristallin (membrane cristalloïde). Le peigne est aujourd’hui considéré comme une dépendance de la choroïde. Quant à son rôle physiologique, il a été l’objet de très nombreuses discussions et n’est, en réalité, que peu connu. On s’accorde pourtant à le considérer comme jouant, à l’égard de la rétine, le rôle d’un écran destiné à arrêter les rayons venant de certaines directions.
  2. La faculté que possèdent les oiseaux d’accommoder leur œil de façon à voir à des distances alternativement très éloignées et très rapprochées est due particulièrement à l’énergie de l’action du muscle ciliaire de ces animaux, action qui détermine des changements considérables dans la forme du cristallin.