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ailes et de frisées sur le croupion, qui lui tiennent lieu de queue ; il a le bec gros recourbé un peu par-dessous, les jambes (c’est-à-dire les pieds) hautes et couvertes d’écailles, trois doigts à chaque pied, le cri de l’oison, et sa chair est médiocrement bonne.

La femelle ne pond qu’un œuf, et cet œuf est blanc et gros comme un pain d’un sou ; on trouve ordinairement à côté une pierre blanche de la grosseur d’un œuf de poule, et peut-être cette pierre fait-elle ici le même effet que les œufs de craie blanche que les fermières ont coutume de mettre dans le nid où elles veulent faire pondre leurs poules : celle de Nazare pond à terre dans les forêts, sur de petits tas d’herbes et de feuilles qu’elle a formés ; si on tue le petit, on trouve une pierre grise dans son gésier ; la figure de cet oiseau, est-il dit dans une note[1], se trouve dans le Journal de la seconde navigation des Hollandais aux Indes orientales, et ils l’appellent Oiseau de Nausée : ces dernières paroles semblent décider la question de l’identité de l’espèce entre le dronte et l’oiseau de Nazare, et la prouveraient en effet si leurs descriptions ne présentaient des différences essentielles, notamment dans le nombre des doigts ; mais sans entrer dans cette discussion particulière, et sans prétendre résoudre un problème où il n’y a pas encore assez de données, je me contenterai d’indiquer ici les rapports et les différences qui résultent de la comparaison des trois descriptions.

Je vois d’abord, en comparant ces trois oiseaux à la fois, qu’ils appartiennent au même climat et presque aux mêmes contrées, car le dronte habite l’île de Bourbon et l’île Française, à laquelle il semble avoir donné son nom d’île aux Cygnes, comme je l’ai remarqué plus haut ; le solitaire habitait l’île Rodrigue dans le temps qu’elle était entièrement déserte, et on l’a vu dans l’île Bourbon ; l’oiseau de Nazare se trouve dans l’île de Nazare, d’où il a tiré son nom, et dans l’île Française[2] : or ces quatre îles sont voisines les unes des autres, et il est à remarquer qu’aucun de ces oiseaux n’a été aperçu dans le continent.

Ils se ressemblent aussi tous trois, plus ou moins, par la grosseur, par l’impuissance de voler, par la forme des ailes, de la queue et du corps entier ; et on leur a trouvé à tous une ou plusieurs pierres dans le gésier, ce qui les suppose tous trois granivores ; outre cela ils ont tous trois une allure fort lente, car, quoique Leguat ne dise rien de celle du solitaire, on peut juger, par la figure qu’il donne de la femelle[3], que c’est un oiseau très pesant.

Comparant ensuite ces mêmes oiseaux, pris deux à deux, je vois que le plumage du dronte se rapproche de celui du solitaire pour la couleur, et de celui de l’oiseau de Nazare pour la qualité de la plume, qui n’est que du

  1. Voyez la Description… de Madagascar, par Fr. Cauche, p. 130 et suivantes.
  2. Voyez ci-dessus l’histoire de ces oiseaux.
  3. Voyage de Leguat, t. Ier, p. 98.