traîner : c’est dans les oiseaux ce que le paresseux est dans les quadrupèdes ; on dirait qu’il est composé d’une manière brute, inactive, où les molécules vivantes ont été trop épargnées ; il a des ailes, mais ces ailes sont trop courtes et trop faibles pour l’élever dans les airs ; il a une queue, mais cette queue est disproportionnée et hors de sa place ; on le prendrait pour une tortue qui se serait affublée de la dépouille d’un oiseau, et la nature, en lui accordant ces ornements inutiles, semble avoir voulu ajouter l’embarras à la pesanteur, la gaucherie des mouvements à l’inertie de la masse, et rendre sa lourde épaisseur encore plus choquante, en faisant souvenir qu’il est un oiseau.
Les premiers Hollandais qui le virent dans l’île Maurice, aujourd’hui l’île de France[1], l’appelèrent walg-vogel, oiseau de dégoût, autant à cause de sa figure rebutante que du mauvais goût de sa chair ; cet oiseau bizarre est très gros, et n’est surpassé à cet égard que par les trois précédents, car il surpasse le cygne et le dindon.
M. Brisson donne pour un de ses caractères, d’avoir la partie inférieure des jambes dénuée de plumes ; cependant la planche ccxciv d’Edwards le représente avec des plumes, non seulement jusqu’au bas de la jambe, mais encore jusqu’au-dessous de son articulation avec le tarse ; le bec supérieur est noirâtre dans toute son étendue, excepté sur la courbure de son crochet où il y a une tache rouge ; les ouvertures des narines sont à peu près dans sa partie moyenne, tout proche de deux replis transversaux qui s’élèvent en cet endroit sur sa surface.
Les plumes du dronte sont en général fort douces ; le gris est leur couleur dominante, mais plus foncé sur toute la partie supérieure et au bas des jambes, et plus clair sur l’estomac, le ventre et tout le dessous du corps ; il y a du jaune et du blanc dans les plumes des ailes et dans celles de la queue, qui paraissent frisées et sont en fort petit nombre. Clusius n’en compte que quatre ou cinq.
Les pieds et les doigts sont jaunes, et les ongles noirs ; chaque pied a quatre doigts, dont trois dirigés en avant et le quatrième en arrière ; c’est celui-ci qui a l’ongle le plus long[2].
Quelques-uns ont prétendu que le dronte avait ordinairement dans l’estomac une pierre aussi grosse que le poing[3], et à laquelle on n’a pas manqué d’attribuer la même origine et les mêmes vertus qu’aux bézoards ; mais Clusius, qui a vu deux de ces pierres de forme et de grandeur différentes[4], pense que l’oiseau les avait avalées comme font les granivores, et qu’elles ne s’étaient point formées dans son estomac.
- ↑ Les Portugais avaient auparavant nommé cette île Ilha de Cime, c’est-à-dire Île aux Cygnes, apparemment parce qu’ils y avaient aperçu des drontes qu’ils prirent pour des cygnes. Clusius, Exotic., p. 101.
- ↑ Voyez Clusius, Exotic., p. 100. — Edwards, fig. ccxciv.
- ↑ Voyages des Hollandais aux Indes orientales, t. III, p. 214.
- ↑ Clusius, ubi suprà.