Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le midi de la partie orientale de l’Asie paraît être le vrai climat du casoar ; son domaine commence, pour ainsi dire, où finit celui de l’autruche, qui n’a jamais beaucoup dépassé le Gange, comme nous l’avons vu dans son histoire ; au lieu que celui-ci se trouve dans les îles Moluques, dans celles de Banda, de Java, de Sumatra, et dans les parties correspondantes du continent[1] : mais il s’en faut bien que cette espèce soit aussi multipliée dans son district que l’autruche l’est dans le sien, puisque nous voyons un roi de Joardam, dans l’île de Java, faire présent d’un casoar à Scellinger, capitaine de vaisseau hollandais, comme d’un oiseau rare[2] ; la raison en est, ce me semble, que les Indes orientales sont beaucoup plus peuplées que l’Afrique ; et l’on sait qu’à mesure que l’homme se multiplie dans une contrée il détruit ou fait fuir devant lui les animaux sauvages qui vont toujours cherchant des asiles plus paisibles, des terres moins habitées ou occupées par des peuples moins policés, et, par conséquent, moins destructeurs.

Il est remarquable que le casoar, l’autruche et le touyou, les trois plus gros oiseaux que l’on connaisse, sont tous trois attachés au climat de la zone torride, qu’ils semblent s’être partagée entre eux, et où ils se maintiennent chacun dans leur terrain, sans se mêler ni se surmarcher ; tous trois véritablement terrestres, incapables de voler, mais courant d’une très grande vitesse ; tous trois avalent à peu près tout ce qu’on leur jette, grains, herbes, chairs, os, pierres, cailloux, fer, glaçons, etc. ; tous trois ont le cou plus ou moins long, les pieds hauts et très forts, moins de doigts que la plupart des oiseaux, et l’autruche encore moins que les deux autres ; tous trois n’ont de plumes que d’une seule sorte, différentes des plumes des autres oiseaux, et différentes dans chacune de ces trois espèces ; tous trois n’en ont point du tout sur la tête et le haut du cou, manquent de queue proprement dite, et n’ont que des ailes imparfaites, garnies de quelques tuyaux sans aucune barbe, comme nous avons remarqué que les quadrupèdes des pays chauds avaient moins de poil que ceux des régions du Nord ; tous trois, en un mot, paraissent être la production naturelle et propre de la zone torride : mais, malgré tant de rapports, ces trois espèces sont différenciées par des caractères trop frappants pour qu’on puisse les confondre : l’autruche se distingue du casoar et du touyou par sa grandeur, par ses pieds de chameau et par la nature de ses plumes ; elle diffère du casoar en particulier par la nudité de ses cuisses et de ses flancs, par la longueur et la capacité de ses intestins, et parce qu’elle n’a point de vésicule du fiel ; et le casoar diffère du touyou et de l’autruche par ses cuisses couvertes de plumes, presque jusqu’au tarse, par des barbillons rouges qui lui tombent sur le cou et par le casque qu’il a sur la tête.

  1. Voyages des Hollandais, t. VII, p. 349. — Clusius, Exotic., lib. v, cap. iii, p. 99.
  2. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 112.