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Celui qui a été décrit par MM. de l’Académie des sciences avait cinq pieds et demi, du bout du bec au bout des ongles[1] : celui que Clusius a observé était d’un quart plus petit[2]. Houtman lui donne une grosseur double de celle du cygne[3], et d’autres Hollandais celle d’un mouton : cette variété de mesures, loin de nuire à la vérité, est au contraire la seule chose qui puisse nous donner une connaissance approchée de la véritable grandeur du casoar ; car la taille d’un seul individu n’est point la grandeur de l’espèce, et l’on ne peut se former une idée juste de celle-ci qu’en la considérant comme une quantité variable entre certaines limites ; d’où il suit qu’un naturaliste qui aurait comparé avec une bonne critique toutes les dimensions et les descriptions des observateurs, aurait des notions plus exactes et plus sûres de l’espèce que chacun de ces observateurs, qui n’aurait connu que l’individu qu’il aura mesuré et décrit.

Le trait le plus remarquable dans la figure du casoar est cette espèce de casque conique, noir par devant, jaune dans tout le reste, qui s’élève sur le front, depuis la base du bec jusqu’au milieu du sommet de la tête, et quelquefois au delà ; ce casque est formé par le renflement des os du crâne en cet endroit, et il est recouvert d’une enveloppe dure, composée de plusieurs couches concentriques, et analogues à la substance de la corne de bœuf ; sa forme totale est à peu près celle d’un cône tronqué, qui a trois pouces de haut, un pouce de diamètre à sa base et trois lignes à son sommet. Clusius pensait que ce casque tombait tous les ans avec les plumes lorsque l’oiseau était en mue[4] ; mais MM. de l’Académie des sciences ont remarqué, avec raison, que c’était tout au plus l’enveloppe extérieure qui pouvait tomber ainsi, et non le noyau intérieur, qui, comme nous l’avons dit, fait partie des os du crâne, et même ils ajoutent qu’on ne s’est point aperçu de la chute de cette enveloppe à la ménagerie de Versailles pendant les quatre années que le casoar qu’ils décrivaient y avait passées[5] ; néanmoins il peut se faire qu’elle tombe en effet, mais en détail, et par une espèce d’exfoliation successive, comme le bec de plusieurs oiseaux, et que cette particularité ait échappé aux gardes de la ménagerie.

L’iris des yeux est d’un jaune de topaze, et la cornée singulièrement petite relativement au globe de l’œil[6], ce qui donne à l’animal un regard également farouche et extraordinaire ; la paupière inférieure est la plus

  1. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 157.
  2. Ibidem. — Et Clusius, ubi suprà.
  3. Voyage d’Houtman dans le Recueil des voyages de la Compagnie hollandaise aux Indes orientales, année 1596.
  4. Clusius, Exotic., ubi suprà, p. 98.
  5. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 161.
  6. Le globe de l’œil avait un pouce et demi de diamètre, le cristallin quatre lignes, et la cornée trois lignes seulement. (Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 167.)