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DISCOURS
SUR LA NATURE DES OISEAUX


Le mot nature a, dans notre langue et dans la plupart des autres idiomes anciens et modernes, deux acceptions très différentes : l’une suppose un sens actif et général ; lorsqu’on nomme la nature purement et simplement, on en fait une espèce d’être idéal auquel on a coutume de rapporter, comme cause, tous les effets constants, tous les phénomènes de l’univers ; l’autre acception ne présente qu’un sens passif et particulier, en sorte que lorsqu’on parle de la nature de l’homme, de celle des animaux, de celle des oiseaux, ce mot signifie, ou plutôt indique et comprend dans sa signification la quantité totale, la somme des qualités dont la nature, prise dans la première acception, a doué l’homme, les animaux, les oiseaux, etc. Ainsi la nature active, en produisant les êtres, leur imprime un caractère particulier qui fait leur nature propre et passive, de laquelle dérive ce qu’on appelle leur naturel, leur instinct et toutes leurs autres habitudes et facultés naturelles. Nous avons déjà traité de la nature de l’homme et de celle des animaux quadrupèdes[NdÉ 1] ; la nature des oiseaux demande des considérations particulières ; et, quoique à certains égards elle nous soit moins connue que celle des quadrupèdes, nous tâcherons néanmoins d’en saisir les principaux attributs et de la présenter sous son véritable aspect, c’est-à-dire avec les traits caractéristiques et généraux qui la constituent.

Le sentiment ou plutôt la faculté de sentir, l’instinct, qui n’est que le résultat de cette faculté, et le naturel, qui n’est que l’exercice habituel de l’instinct guidé et même produit par le sentiment, ne sont pas, à beaucoup près, les mêmes dans les différents êtres : ces qualités intérieures dépendent de l’organisation en général, et en particulier de celle des sens, et elles sont relatives, non seulement à leur plus ou moins grand degré de perfection, mais encore à l’ordre de supériorité que met entre les sens ce degré de

  1. Dans cette édition, nous plaçons l’histoire des oiseaux avant celle des quadrupèdes, de même que nous avons placé tout ce qui concerne les corps minéraux avant la partie relative aux animaux. Cet ordre, conforme à l’évolution de la matière et des êtres vivants, nous paraît plus convenable que celui qui a été suivi dans les éditions antérieures des œuvres de Buffon.