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tiendra réellement et exclusivement que les espèces qui ont en effet le degré de parenté dont nous parlons ; il faudrait être plus instruit que nous ne le sommes, et que nous ne pouvons l’être, sur les effets du mélange des espèces et sur leur produit dans les oiseaux ; car, indépendamment des variétés naturelles et accidentelles, qui, comme nous l’avons dit, sont plus nombreuses, plus multipliées dans les oiseaux que dans les quadrupèdes, il y a encore une autre cause qui concourt avec ces variétés pour augmenter, en apparence, la quantité des espèces. Les oiseaux sont, en général, plus chauds et plus prolifiques que les animaux quadrupèdes, ils s’unissent plus fréquemment, et lorsqu’ils manquent de femelles de leur espèce ils se mêlent plus volontiers que les quadrupèdes avec les espèces voisines, et produisent ordinairement des métis féconds et non pas des mulets stériles : on le voit par les exemples du chardonneret, du tarin et du serin ; les métis qu’ils produisent peuvent, en s’unissant, produire d’autres individus semblables à eux, et former par conséquent de nouvelles espèces intermédiaires et plus ou moins ressemblantes à celles dont elles tirent leur origine. Or, tout ce que nous faisons par art peut se faire, et s’est fait mille et mille fois par la nature ; il est donc souvent arrivé des mélanges fortuits et volontaires entre les animaux, et surtout parmi les oiseaux, qui, souvent, faute de leur femelle, se servent du premier mâle qu’ils rencontrent ou du premier oiseau qui se présente : le besoin de s’unir est chez eux d’une nécessité si pressante que la plupart sont malades et meurent lorsqu’on les empêche d’y satisfaire. On voit souvent dans les basses-cours un coq sevré de poules se servir d’un autre coq, d’un chapon, d’un dindon, d’un canard ; on voit le faisan se servir de la poule ; on voit dans les volières le serin et le chardonneret, le tarin et le serin, le linot rouge et la linotte commune, se chercher pour s’unir : et qui sait tout ce qui se passe en amour au fond des bois ? qui peut nombrer les jouissances illégitimes entre gens d’espèces différentes ? qui pourra jamais séparer toutes les branches bâtardes des tiges légitimes, assigner le temps de leur première origine, déterminer, en un mot, tous les effets des puissances de la nature pour la multiplication, toutes ses ressources dans le besoin, tous les suppléments qui en résultent, et qu’elle sait employer pour augmenter le nombre des espèces en remplissant les intervalles qui semblent les séparer ?

Notre ouvrage contiendra à peu près tout ce qu’on sait des oiseaux, et néanmoins ce ne sera, comme l’on voit, qu’un sommaire ou plutôt une esquisse de leur histoire : seulement cette esquisse sera la première qu’on ait faite en ce genre, car les ouvrages anciens et nouveaux auxquels on a donné le titre d’Histoire des Oiseaux ne contiennent presque rien d’historique ; tout imparfaite que sera notre histoire, elle pourra servir à la postérité pour en faire une plus complète et meilleure ; je dis à la postérité, car je vois clairement qu’il se passera bien des années avant que nous