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qui lui a fait donner par les Latins le nom d’ulula, qui vient d’ululare, hurler ou crier comme le loup, et c’est par cette même analogie que les Allemands l’appellent hû hû ou plutôt hôu hôu[1][NdÉ 1].

La hulotte se tient pendant l’été dans les bois, toujours dans des arbres creux ; quelquefois elle s’approche en hiver de nos habitations, elle chasse et prend les petits oiseaux, et plus encore les mulots et les campagnols ; elle les avale tout entiers et en rend aussi par le bec les peaux roulées en pelotons ; lorsque la chasse de la campagne ne lui produit rien, elle vient dans les granges pour y chercher des souris et des rats ; elle retourne au bois de grand matin à l’heure de la rentrée des lièvres, et elle se fourre dans les taillis les plus épais ou sur les arbres les plus feuillés, et y passe tout le jour sans changer de lieu : dans la mauvaise saison, elle demeure dans des arbres creux pendant le jour et n’en sort qu’à la nuit ; ces habitudes lui sont communes avec le hibou ou moyen duc, aussi bien que celle de pondre leurs œufs dans des nids étrangers, surtout dans ceux des buses, des cresserelles, des corneilles et des pies ; elle fait ordinairement quatre œufs d’un gris sale, de forme arrondie, et à peu près aussi gros que ceux d’une petite poule[NdÉ 2].


LE CHAT-HUANT

Après la hulotte, qui est la plus grande de toutes les chouettes, et qui a les yeux noirâtres, se trouvent le chat-huant[NdÉ 3], qui les a bleuâtres, et l’effraie qui les a jaunes : tous deux sont à peu près de la même grandeur ;

  1. C’est d’après Gessner que je dis ici que les Allemands appellent cette chouette, hu hu ; cependant c’est le grand duc auquel appartient ce nom : il dit aussi qu’ils l’appellent ul et eul. M. Frisch ne lui donne que le nom générique eule, et dit que les autres surnoms qu’on lui donne en allemand sont sans fondement, comme celui de knapp eule, par exemple, qui exprime le craquement que cet oiseau fait avec son bec, mais que toutes les espèces de chouettes font également ; et nacht eul qui signifie chouette de nuit, puisque toutes les chouettes sont également des oiseaux de nuit.
  1. D’après Brehm elle crie d’autres fois sur un ton atroce : raï, et quelquefois elle ajoute, sur un mode plus agréable : kouwit ou kiwiz.
  2. La hulotte se laisse facilement apprivoiser. D’abord timide, elle ne tarde pas à connaître son maître, le reçoit par de petits cris joyeux et mange dans sa main. Brehm dit que la hulotte vit en bonne harmonie avec ses semblables et même avec le hibou. « Nous en avons, dit-il, sept au jardin zoologique de Hambourg qui vivent très paisiblement l’une à côté de l’autre sans jamais se disputer, même quand il s’agit de leur nourriture. Pendant que l’une mange, les autres la regardent. Une paire a pondu quatre œufs, les a longtemps couvés, et a été aidée dans cette tâche par deux ou trois de ses compagnes. » Ce dernier trait de mœurs est très caractéristique.
  3. D’après Cuvier, l’oiseau décrit ici par Buffon, sous le nom de chat-huant, n’est que la femelle de la Hulotte. Il dit à cet égard : « Le fond du plumage est grisâtre dans le mâle, roussâtre dans la femelle, ce qui les avait fait longtemps considérer comme deux espèces. »