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réellement plus petit, les proportions de son corps sont toutes différentes ; il a les jambes, le corps et la queue plus courtes que l’aigle, la tête beaucoup plus grande, les ailes bien moins longues, l’étendue du vol ou l’envergure n’étant que d’environ cinq pieds ; on distingue aisément le duc à sa grosse figure, à son énorme tête, aux larges et profondes cavernes de ses oreilles, aux deux aigrettes qui surmontent sa tête et qui sont élevées de plus de deux pouces et demi ; à son bec court, noir et crochu ; à ses grands yeux fixes et transparents ; à ses larges prunelles noires et environnées d’un cercle de couleur orangée ; à sa face, entourée de poils, ou plutôt de petites plumes blanches et décomposées qui aboutissent à une circonférence d’autres petites plumes frisées ; à ses ongles noirs, très forts et très crochus ; à son cou très court, à son plumage d’un roux brun, taché de noir et de jaune sur le dos, et de jaune sur le ventre, marqué de taches noires et traversé de quelques bandes brunes mêlées assez confusément ; à ses pieds, couverts d’un duvet épais et de plumes roussâtres jusqu’aux ongles[1] ; enfin à son cri effrayant[2] huihou, houhou, bouhou, pouhou, qu’il fait retentir dans le silence de la nuit, lorsque tous les autres animaux se taisent ; et c’est alors qu’il les éveille, les inquiète, les poursuit et les enlève ou les met à mort pour les dépecer et les emporter dans les cavernes qui lui servent de retraite : aussi n’habite-t-il que les rochers ou les vieilles tours abandonnées et situées au-dessus des montagnes ; il descend rarement dans les plaines, et ne se perche pas volontiers sur les arbres, mais sur les églises écartées et sur les vieux châteaux[NdÉ 1]. Sa chasse la plus ordinaire sont les jeunes lièvres, les lapins, les taupes, les mulots, les souris qu’il avale tout entières et dont il digère la substance charnue, vomit le poil[3], les os et

  1. La femelle ne diffère du mâle qu’en ce que les plumes sur le corps, les ailes et la queue, sont d’une couleur plus sombre.
  2. Voici ce que rapporte M. Frisch au sujet des différents cris du puhu, schuffut ou grand duc, qu’il a longtemps gardé vivant. Lorsqu’il avait faim, dit cet auteur, il formait un son assez semblable à celui qui exprime son nom (en allemand, puhu) pouhou ; lorsqu’il entendait tousser ou cracher un vieillard, il commençait très haut et très fort, à peu près du ton d’un paysan ivre qui éclate en riant, et il faisait durer son cri ouhou ou pouhou autant qu’il pouvait être de temps sans reprendre haleine ; il m’a paru, ajoute M. Frisch, que cela arrivait lorsqu’il était en amour, et qu’il prenait ce bruit qu’un homme fait en toussant pour le cri de sa femelle : mais quand il crie par angoisse ou de peur, c’est un cri très désagréable, très fort, et cependant assez semblable à celui des oiseaux de proie diurnes. (Traduit de l’allemand de Frisch, article du bubo ou grand duc.)
  3. J’ai eu deux fois, dit M. Frisch, des grands ducs vivants, et je les ai conservés longtemps ; je les nourrissais de chair et de foie de bœuf, dont ils avalaient souvent de fort gros
  1. « Il est, dit Brehm, telles localités qui sont connues depuis des siècles pour loger des grands ducs. Lorsqu’une paire de ces oiseaux a été détruite à un endroit, il arrive souvent qu’on n’y aperçoit plus un seul individu pendant plusieurs années ; puis, un beau jour, une nouvelle paire vient occuper la même place qu’habitait l’ancienne et y reste jusqu’à ce qu’elle soit tuée à son tour ; car, dans nos contrées du nord, bien peu de grands ducs meurent de leur mort naturelle. »