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que ce que nous venons de dire pourra les dissiper en grande partie. Nous ajouterons, pour achever d’éclaircir cette matière, quelques autres remarques : le nom ule, eule en allemand, owl, houlet en anglais, huette, hulote en français, vient du latin ulula, et celui-ci vient du cri de ces oiseaux nocturnes de la grande espèce ; il est très vraisemblable, comme le dit M. Frisch, qu’on n’a d’abord nommé ainsi que les grandes espèces de chouettes, mais que les petites leur ressemblant par la forme et par le naturel, on leur a donné le même nom, qui dès lors est devenu un nom général et commun à tous ces oiseaux : de là la confusion à laquelle on n’a qu’imparfaitement remédié en ajoutant à ce nom général une épithète prise du lieu de leur demeure, ou de leur forme particulière, ou de leurs différents cris ; par exemple, stein-eule en allemand, chouette des rochers, qui est notre chouette ou grande chevêche ; kirch-eule en allemand, churchowl en anglais, chouette des églises ou des clochers en français, qui est notre effraie, qu’on a aussi appelée schleyer-eule, chouette voilée, perl-eule, chouette perlée ou marquée de petites taches rondes ; ohr-eule en allemand, horn-owl en anglais, chouette ou hibou à oreilles en français, qui est notre hibou ou moyen duc ; knapp-eule, chouette qui fait avec son bec le bruit que l’on fait en cassant une noisette, ce qui néanmoins ne peut désigner aucune espèce particulière, puisque toutes les grosses espèces de hiboux et de chouettes font ce même bruit avec leur bec ; le nom bubo que les Latins ont donné à la plus grande espèce de hibou, c’est-à-dire au grand duc, vient du rapport de son cri avec le mugissement du bœuf ; et les Allemands ont désigné le nom de l’animal par le cri même, uhu (ouhou), puhu (pouhou).

Les trois espèces de hiboux et les cinq espèces de chouettes, que nous venons d’indiquer par des dénominations précises et par des caractères aussi précis, composent le genre entier des oiseaux de proie nocturnes ; ils diffèrent des oiseaux de proie diurnes : 1o par le sens de la vue, qui est excellent dans ceux-ci, et qui paraît fort obtus dans ceux-là, parce qu’il est trop sensible et trop affecté de l’éclat de la lumière ; on voit leur pupille, qui est très large, se rétrécir au grand jour d’une manière différente de celle des chats ; la pupille des oiseaux de nuit reste toujours ronde en se rétrécissant concentriquement, au lieu que celle des chats devient perpendiculairement étroite et longue ; 2o par le sens de l’ouïe ; il paraît que ces oiseaux de proie nocturnes ont ce sens supérieur à tous les autres oiseaux, et peut-être même à tous les animaux, car ils ont, toute proportion gardée, les conques des oreilles bien plus grandes qu’aucun des animaux ; il y a aussi plus d’appareil et de mouvement dans cet organe, qu’ils sont maîtres de fermer et d’ouvrir à volonté, ce qui n’est donné à aucun animal ; 3o par le bec, dont la base n’est pas, comme dans les oiseaux de proie diurnes, couverte d’une peau lisse et nue, mais est au contraire garnie de plumes tournées en devant ; et de plus ils ont le bec court et mobile dans ses deux