Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/196

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même, doit avoir plus de poids que l’autorité de ces commentateurs, qui ne connaissent pas assez la nature pour en bien interpréter l’histoire. Or le glaux étant le chat-huant, ou, si l’on veut, la chouette aux yeux bleuâtres, et le nycticorax étant la hulotte ou chouette aux yeux noirs, l’ægolios ne peut être autre que la chouette aux yeux jaunes : ceci mérite encore quelque discussion.

Théodore Gaza traduit le mot nycticorax, d’abord par cicuma, ensuite par ulula, et enfin par cicunia ; cette dernière interprétation n’est vraisemblablement qu’une faute des copistes, qui de cicuma ont fait cicunia ; car Festus, avant Gaza, avait également traduit nycticorax par cicuma, et Isidore par cecuma, et quelques autres par cecua : c’est même à ces noms qu’on pourrait rapporter l’étymologie des mots zueta en italien, chouette en français : si Gaza eût fait attention aux caractères du nycticorax, il s’en serait tenu à sa seconde interprétation ulula, et il n’eût pas fait double emploi de ce terme, car il eût alors traduit ægolios par cicuma ; il me paraît donc, par cet examen comparé de ces différents objets et par ces raisons critiques, que le glaux est le chat-huant, le nycticorax la hulotte, et l’ægolios la chouette ou grande chevêche.

Il reste le charadrios, le chalcis et le aegocephalos. Gaza ne leur donne point de noms latins particuliers, et se contente de copier le mot grec et de les indiquer par charadrius, chalcis et capriceps : comme ces oiseaux sont d’un genre différent de ceux dont nous traitons, et que tous trois paraissent être des oiseaux de marais, et habitant le bord des eaux, nous n’en ferons pas ici plus ample mention ; nous nous réservons d’en parler lorsqu’il sera question des oiseaux pêcheurs, parmi lesquels il y a, comme dans les oiseaux de proie, des espèces qui ne voient pas bien pendant le jour, et qui ne pêchent que dans le temps où les hiboux et les chouettes chassent, c’est-à-dire lorsque la lumière du jour ne les offusque plus ; en nous renfermant donc dans le sujet que nous traitons, et ne considérant à présent que les oiseaux du genre des hiboux et des chouettes, je crois avoir donné la juste interprétation des mots grecs qui les désignent tous ; il n’y a que la seule chevêche ou petite chouette dont je ne trouve pas le nom dans cette langue. Aristote n’en fait aucune mention nulle part, et il y a grande apparence qu’il n’a pas distingué cette petite espèce de chouette de celle du scops ou petit duc, parce qu’elles se ressemblent en effet par la grandeur, la forme, la couleur des yeux, et qu’elles ne diffèrent essentiellement que par la petite plume proéminente que le scops porte de chaque côté de la tête, et dont la chevêche ou petite chouette est dénuée ; mais toutes ces différences particulières seront exposées plus au long dans les articles suivants.

Aldrovande remarque avec raison que la plupart des erreurs en histoire naturelle sont venues de la confusion des noms, et que dans celle des oiseaux nocturnes on trouve l’obscurité et les ténèbres de la nuit : je crois