faire la voix pour faire arriver les oiseaux à l’endroit où l’on a tendu les gluaux[1] : il faut s’y prendre une heure avant la fin du jour pour que cette chasse soit heureuse ; car si l’on attend plus tard, ces mêmes petits oiseaux qui viennent pendant le jour provoquer l’oiseau de nuit avec autant d’audace que d’opiniâtreté, le fuient et le redoutent dès que l’obscurité lui permet de se mettre en mouvement et de déployer ses facultés.
Tout cela doit néanmoins s’entendre avec certaines restrictions qu’il est bon d’indiquer : 1o toutes les espèces de hiboux et de chouettes ne sont pas également offusquées par la lumière du jour ; le grand duc voit assez clair pour voler et fuir à d’assez grandes distances en plein jour ; la chevêche, ou la plus petite espèce de chouettes, chasse, poursuit et prend des petits oiseaux longtemps avant le coucher et après le lever du soleil. Les voyageurs nous assurent que le grand duc ou hibou de l’Amérique septentrionale[2] prend les gélinottes blanches en plein jour, et même lorsque la neige en augmente encore la lumière ; Belon dit très bien dans son vieux langage[3] que quiconque prendra garde à la vue de ces oiseaux, ne la trouvera pas si imbécile qu’on la crie ; 2o il paraît que le hibou commun ou moyen duc voit plus mal que le scops ou petit duc, et que c’est de tous les hiboux celui qui est le plus offusqué par la lumière du jour, comme le sont aussi le chat-huant, l’effraie et la hulotte ; car on voit les oiseaux s’attrouper également pour les insulter à la pipée ; mais avant de donner les faits qui ont rapport à chaque espèce en particulier, il faut en présenter les distinctions générales.
On peut diviser en deux genres principaux les oiseaux de proie nocturnes, le genre du hibou et celui de la chouette, qui contiennent chacun plusieurs espèces différentes ; le caractère distinctif de ces deux genres, c’est que tous les hiboux ont deux aigrettes de plumes en forme d’oreilles, droites de chaque côté de la tête[4], tandis que les chouettes ont la tête arrondie sans aigrettes et sans aucunes plumes proéminentes[5] ; nous réduirons à trois les espèces contenues dans le genre du hibou. Ces trois espèces sont : 1o le
- ↑ Cette espèce de chasse était connue des anciens ; car Aristote l’indique clairement dans les termes suivants : « Die cæteræ aviculæ omnes noctuam circumvolant, quod mirari vocatur, advolantesque percutiunt. Qua propter eâ constituâ avicularum genera et varia multa capiunt. » Hist. anim., lib. ix, cap. i.
- ↑ Voyage à la baie d’Hudson, t. Ier, p. 56.
- ↑ Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 133. — Nota. C’est en effet avec cette restriction qu’on doit entendre ce que disent à cet égard la plupart des écrivains, et entre autres Schwenckfeld : « Noctu perspicacissimè videntes, diu cæcutientes. » Theriotrop. Sil., p. 308.
- ↑ Ces oiseaux peuvent remuer et faire baisser ou élever ces aigrettes de plumes à volonté.
- ↑ Il paraît que Pline avait remarqué cette différence générique, lorsqu’il dit : « Pennatorum animalium buboni tantùm et oto plumæ velut aures. » Lib. xi, cap. xxxvii. Et ailleurs : « Otus bubone minor est, noctuis major, auribus plumeis eminentibus, unde et nomen illi ; quidam latinè asionem vocant. » Lib. x, cap. xxxiii. — Nota qu’il y a trois espèces de hiboux qui ont en effet des aigrettes de plumes, et que ces trois espèces sont le grand duc, bubo ; le moyen duc, otus ; et le petit duc, asio, que Pline confond avec l’otus.