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Plusieurs personnes ont entrepris, presque en même temps, de faire graver et colorier des oiseaux : en Angleterre, on vient de donner, sous le titre de Zoologie britannique, les animaux quadrupèdes et les oiseaux de la Grande-Bretagne, gravés et coloriés. M. Edwards avait de même donné précédemment un grand nombre d’oiseaux étrangers ; ces deux ouvrages sont ce que nous avons de mieux dans ce genre de mauvaise peinture, que l’on appelle enluminure. Et quoique ceux que j’ai fait publier depuis cinq ans, et qui sont déjà au nombre de près de cinq cents planches, soient de ce même genre de mauvaise peinture, je suis bien certain qu’on ne les jugera pas inférieurs à ceux d’Angleterre, et qu’on les trouvera supérieurs à ceux que M. Frisch a fait publier en Allemagne[1] ; nous pouvons même assurer que la collection de nos planches coloriées l’emportera sur toutes les autres par le nombre des espèces, par la fidélité des dessins, qui tous ont été faits d’après nature, par la vérité du coloris, par la précision des attitudes ; on verra que nous n’avons rien négligé pour que chaque portrait donnât l’idée nette et distincte de son original. L’on reconnaîtra partout la facilité du talent de M. Martinet, qui a dessiné et gravé tous ces oiseaux, et les attentions éclairées de M. Daubenton le jeune, qui, seul, a conduit cette grande entreprise ; je dis grande, par le détail immense qu’elle entraîne, et par les soins continuels qu’elle suppose : plus de quatre-vingts artistes et ouvriers ont été employés continuellement, depuis cinq ans, à cet ouvrage, quoique nous l’ayons restreint à un petit nombre d’exemplaires ; et c’est bien à regret que nous ne l’avons pas multiplié davantage. L’histoire naturelle des animaux quadrupèdes ayant été tirée à un très grand nombre en France, sans compter les éditions étrangères, c’est avec une sorte de peine que nous nous sommes réduits à un petit nombre d’exemplaires pour les planches coloriées de l’histoire des oiseaux ; mais tous les gens d’art sentiront bien l’impossibilité de faire peindre au même nombre des planches, ou de les tirer en simple gravure ; et lorsque nous avons vu qu’il n’était pas possible de multiplier cette collection de planches enluminées autant qu’il eût été nécessaire pour en garnir tous les exemplaires imprimés, nous avons pris le parti de ne nous plus astreindre au format des animaux quadrupèdes, nous l’avons agrandi de quelques pouces

  1. Je ne parle point ici des planches enluminées qu’on vient de faire à Florence sur une ornithologie de M. Gerini : ces planches, qui sont en très grand nombre, ne m’ont pas paru faites d’après nature ; elles présentent, pour la plupart, des attitudes forcées, et ne semblent avoir été dessinées et peintes que d’après les descriptions des auteurs. Les couleurs, dès lors, en sont très mal distribuées ; il y en a même un grand nombre qui ont été copiées sur les gravures de différents ouvrages, et qu’on reconnaît avoir été calquées sur celles de MM. Edwards, Brisson, etc. On peut dire, en général, que cet ouvrage, bien loin d’éclaircir l’histoire naturelle des oiseaux, la rendrait bien plus confuse par le grand nombre d’erreurs de nom et par la multiplication gratuite des espèces, puisque souvent on y trouve quatre ou cinq variétés de la même espèce, qui toutes sont données pour des oiseaux différents.