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oiseau tué en France, au château de Mylourdin, lui ressemble donc, non seulement par la grandeur, puisqu’il avait dix-huit pieds d’envergure, et qu’il pesait dix-huit livres, mais encore par les couleurs, étant aussi mêlé de noir et de blanc. On peut donc croire avec toute apparence de raison, que cette espèce principale et première dans les oiseaux, quoique très peu nombreuse, est néanmoins répandue dans les deux continents, et que pouvant se nourrir de toute espèce de proie[1], et n’ayant à craindre que les hommes, ces oiseaux fuient les lieux habités et ne se trouvent que dans les grands déserts ou les hautes montagnes.


LE MILAN ET LES BUSES

Les milans[NdÉ 1] et les buses[NdÉ 2], oiseaux ignobles, immondes et lâches, doivent suivre les vautours, auxquels ils ressemblent par le naturel et les mœurs : ceux-ci, malgré leur peu de générosité, tiennent par leur grandeur et leur force l’un des premiers rangs parmi les oiseaux. Les milans et les buses, qui n’ont pas ce même avantage, et qui leur sont inférieurs en grandeur, y suppléent et les surpassent par le nombre ; partout ils sont beaucoup plus communs, plus incommodes que les vautours ; ils fréquentent plus souvent et de plus près les lieux habités ; ils font leur nid dans des endroits plus accessibles ; ils restent rarement dans les déserts ; ils préfèrent les plaines et les collines fertiles aux montagnes stériles : comme toute proie leur est bonne, que toute nourriture leur convient, et que plus la terre produit de végétaux, plus elle est en même temps peuplée d’insectes, de reptiles, d’oiseaux et de petits animaux, ils établissent ordinairement leur domicile au pied des montagnes, dans les terres les plus vivantes, les plus abondantes en gibier, en volaille, en poisson ; sans être courageux, ils ne sont pas timides ; ils ont une sorte de stupidité féroce qui leur donne l’air de l’audace tranquille, et semble leur ôter la connaissance du danger : on les approche, on

  1. Les déserts de la province de Pachacama, au Pérou, inspirent une secrète horreur ; on n’y entend le chant d’aucun oiseau, et dans toutes ces montagnes je n’en vis qu’un, nommé condur, qui est de la grosseur d’un mouton, et qui se perche sur les montagnes les plus arides et se nourrit des vers qui naissent dans ces sables. Nouveau voyage autour du monde, par Le Gentil, t. Ier, p. 129.
  1. Ils forment le genre Milvus Briss., de la famille des Accipitridés et de la sous-famille des Milviens. Les milans sont caractérisés par une queue longue et fourchue ou étagée ; par un bec peu fort, comprimé latéralement, avec une arête vive, des bords festonnés, et une extrémité très crochue, non échancrée ; par des tarses et des doigts courts, le doigt médian uni à l’externe par un repli membraneux ; et par des ongles longs, pointus, faibles.
  2. Genre Buteo Cuv., de la famille des Accipitridés et de la sous-famille des Butéoniens. Les buses ont le corps lourd, une tête épaisse, avec un bec comprimé, court et gros, recourbé, non denté ; une queue droite, courte et tronquée.