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une plus grande abondance de liqueur séminale : aussi, lorsque les organes extérieurs ne sont pas usés, les personnes du moyen âge, et même les vieillards, engendrent plus aisément que les jeunes gens ; ceci est évident dans le genre végétal : plus un arbre est âgé, plus il produit de fruit ou de graine, par la même raison que nous venons d’exposer.

Les jeunes gens qui s’épuisent, et qui par des irritations forcées déterminent vers les organes de la génération une plus grande quantité de liqueur séminale qu’il n’en arriverait naturellement, commencent par cesser de croître ; ils maigrissent et tombent enfin dans le marasme, et cela parce qu’ils perdent par des évacuations trop souvent réitérées la substance nécessaire à leur accroissement et à la nutrition de toutes les parties de leur corps[NdÉ 1].

Ceux dont le corps est maigre sans être décharné, ou charnu sans être gras, sont beaucoup plus vigoureux que ceux qui deviennent gras ; et dès que la surabondance de la nourriture a pris cette route et qu’elle commence à former de la graisse, c’est toujours aux dépens de la quantité de la liqueur séminale et des autres facultés de la génération. Aussi, lorsque non seulement l’accroissement de toutes les parties du corps est entièrement achevé, mais que les os sont devenus solides dans toutes leurs parties, que les cartilages commencent à s’ossifier, que les membranes ont pris toute la solidité qu’elles pouvaient prendre, que toutes les fibres sont devenues dures et raides, et qu’enfin toutes les parties du corps ne peuvent presque plus admettre de nourriture, alors la graisse augmente considérablement et la quantité de la liqueur séminale diminue, parce que le superflu de la nourriture s’arrête dans toutes les parties du corps et que les fibres, n’ayant presque plus de souplesse et de ressort, ne peuvent plus le renvoyer, comme auparavant, dans les réservoirs de la génération.

La liqueur séminale non seulement devient, comme je l’ai dit, plus abondante jusqu’à un certain âge, mais elle devient aussi plus épaisse, et sous le même volume elle contient une plus grande quantité de matière, par la raison que l’accroissement du corps diminuant toujours à mesure qu’on avance en âge, il y a une plus grande surabondance de nourriture, et par conséquent une masse plus considérable de liqueur séminale. Un homme accoutumé à observer, et qui ne m’a pas permis de le nommer, m’a assuré que, volume pour volume, la liqueur séminale est près d’une fois plus pesante que le sang, et par conséquent plus pesante spécifiquement qu’aucune autre liqueur du corps.

Lorsqu’on se porte bien, l’évacuation de la liqueur séminale donne de l’appétit, et on sent bientôt le besoin de réparer par une nourriture nouvelle

  1. Buffon exagère énormément, dans tout ce passage, le rapport qui existe entre l’alimentation et l’accroissement du corps, d’une part, et la production du sperme, d’autre part. J’aurai l’occasion, plus loin, de revenir sur ces questions avec plus d’à-propos.