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Mais ce qui prouve plus fortement que tout le reste la vérité de notre explication, c’est la ressemblance des enfants à leurs parents : le fils ressemble, en général, plus à son père qu’à sa mère, et la fille plus à sa mère qu’à son père, parce qu’un homme ressemble plus à un homme qu’à une femme, et qu’une femme ressemble plus à une femme qu’à un homme pour l’habitude totale du corps ; mais, pour les traits et pour les habitudes particulières, les enfants ressemblent tantôt au père, tantôt à la mère, quelquefois même ils ressemblent à tous deux ; ils auront, par exemple, les yeux du père et la bouche de la mère, ou le teint de la mère et la taille du père, ce qu’il est impossible de concevoir, à moins d’admettre que les deux parents ont contribué à la formation du corps de l’enfant, et que par conséquent il y a eu un mélange des deux liqueurs séminales.

J’avoue que je me suis fait à moi-même beaucoup de difficultés sur les ressemblances, et qu’avant que j’eusse examiné mûrement la question de la génération, je m’étais prévenu de certaines idées d’un système mixte où j’employais les vers spermatiques et les œufs des femelles comme premières parties organiques qui formaient le point vivant, auquel par des forces d’attraction je supposais, comme Harvey, que les autres parties venaient se joindre dans un ordre symétrique et relatif ; et, comme dans ce système il me semblait que je pouvais expliquer d’une manière vraisemblable tous les phénomènes, à l’exception des ressemblances, je cherchais des raisons pour les combattre et pour en douter, et j’en avais même trouvé de très spécieuses, et qui m’ont fait illusion longtemps, jusqu’à ce qu’ayant pris la peine d’observer moi-même, et avec toute l’exactitude dont je suis capable, un grand nombre de familles, et surtout les plus nombreuses, je n’ai pu résister à la multiplicité des preuves, et ce n’est qu’après m’être pleinement convaincu à cet égard, que j’ai commencé à penser différemment et à tourner mes vues du côté que je viens de les présenter.

D’ailleurs, quoique j’eusse trouvé des moyens pour échapper aux arguments qu’on m’aurait faits au sujet des mulâtres, des métis et des mulets, que je croyais devoir regarder, les uns comme des variétés superficielles, et les autres comme des monstruosités, je ne pouvais m’empêcher de sentir que toute explication où l’on ne peut rendre raison de ces phénomènes ne pouvait être satisfaisante. Je crois n’avoir pas besoin d’avertir combien cette ressemblance aux parents, ce mélange de parties de la même espèce dans les métis, ou de deux espèces différentes dans les mulets, confirment mon explication.

Je vais maintenant en tirer quelques conséquences. Dans la jeunesse, la liqueur séminale est moins abondante, quoique plus provocante ; sa quantité augmente jusqu’à un certain âge, et cela parce qu’à mesure qu’on avance en âge les parties du corps deviennent plus solides, admettent moins de nourriture, en renvoient par conséquent une plus grande quantité, ce qui produit