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animal de l’Espagne, de l’Asie Mineure, etc., et qui ne se trouve que dans l’ancien continent, ne doit pas être indiquée par le nom de coati, qui est américain, comme on le trouve dans M. Klein[1]. L’ysquiepatl du Mexique, animal qui répand une odeur empestée, et que, par cette raison, nous appellerons moufette, ne doit pas être pris pour un petit renard ou pour un blaireau[2]. Le coati-mondi d’Amérique ne doit pas être confondu, comme l’a fait Aldrovande[3], avec le blaireau-cochon, dont on n’a jamais parlé que comme un animal d’Europe. Mais je n’ai pas entrepris d’indiquer ici toutes les erreurs de la nomenclature des quadrupèdes ; je veux seulement prouver qu’il y en aurait moins, si l’on eût fait quelque attention à la différence des climats, si l’on eût assez étudié l’histoire des animaux pour reconnaître, comme nous l’avons fait les premiers, que ceux des parties méridionales de chaque continent ne se trouvent pas dans toutes les deux à la fois, et enfin si l’on se fût en même temps abstenu de faire des noms génériques qui confondent ensemble une grande quantité d’espèces, non seulement différentes, mais souvent très éloignées les unes des autres.

Le vrai travail d’un nomenclateur ne consiste point ici à faire des recherches pour allonger sa liste, mais des comparaisons raisonnées pour la raccourcir. Rien n’est plus aisé que de prendre dans tous les auteurs qui ont écrit des animaux les noms et les phrases pour en faire une table, qui deviendra d’autant plus longue, qu’on examinera moins : rien n’est plus difficile que de les comparer avec assez de discernement pour réduire cette table à sa juste dimension. Je le répète, il n’y a pas dans toute la terre habitable et connue deux cents espèces d’animaux quadrupèdes, en y comprenant même les singes pour quarante ; il ne s’agit donc que de leur assigner à chacun leur nom, et il ne faudra, pour posséder parfaitement cette nomenclature, qu’un très médiocre usage de sa mémoire, puisqu’il ne s’agira que de retenir ces deux cents noms. À quoi sert-il donc d’avoir fait pour les quadrupèdes des classes, des genres, des méthodes, en un mot, qui ne sont que des échafaudages qu’on a imaginés pour aider la mémoire dans la connaissance des plantes, dont le nombre est en effet trop grand, les différences trop petites, les espèces trop peu constantes, et le détail trop minutieux et trop indifférent pour ne pas les considérer par blocs, et en faire des tas ou des genres, en mettant ensemble celles qui paraissent se ressembler le plus ? Car, comme dans toutes les productions de l’esprit, ce qui est absolument inutile est toujours mal imaginé et devient souvent nuisible, il est arrivé qu’au lieu d’une liste de deux cents noms, à quoi se réduit toute la nomenclature des quadrupèdes, on a fait des dictionnaires d’un si grand nombre de termes et de phrases qu’il faut plus de travail pour les débrouiller qu’il n’en a fallu

  1. Vide Klein, De quadrup., p. 63.
  2. Vide Seba, vol. I, p. 68 ; et le Règne animal de M. Brisson, p. 255.
  3. Vide Aldrovand., Quadruped. digit., p. 267.