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même façon que la force de la pesanteur pénètre l’intérieur de toute matière, de même la force qui pousse ou qui attire les parties organiques de la nourriture pénètre aussi dans l’intérieur des corps organisés et les y fait entrer par son action ; et, comme ces corps ont une certaine forme que nous avons appelée le moule intérieur, les parties organiques, poussées par l’action de la force pénétrante, ne peuvent y entrer que dans un certain ordre relatif à cette forme, ce qui, par conséquent, ne la peut pas changer, mais seulement en augmenter toutes les dimensions, tant extérieures qu’intérieures, et produire ainsi l’accroissement des corps organisés et leur développement ; et si dans ce corps organisé, qui se développe par ce moyen, il se trouve une ou plusieurs parties semblables au tout, cette partie ou ces parties, dont la forme intérieure et extérieure est semblable à celle du corps entier, seront celles qui opéreront la reproduction[NdÉ 1].

Nous voici à la troisième question : n’est-ce pas par une puissance semblable que le moule intérieur lui-même est reproduit ? Non seulement c’est une puissance semblable, mais il paraît que c’est la même puissance qui cause le développement et la reproduction[NdÉ 2] ; car il suffit que, dans le corps organisé qui se développe, il y ait quelque partie semblable au tout, pour que cette partie puisse un jour devenir elle-même un corps organisé tout semblable à celui dont elle fait actuellement partie : dans le point où nous considérons le développement du corps entier, cette partie, dont la forme intérieure et extérieure est semblable à celle du corps entier, ne se développant que comme partie dans ce premier développement, elle ne présentera pas à nos yeux une figure sensible que nous puissions comparer actuellement avec le corps entier ; mais, si on la sépare de ce corps et qu’elle trouve de la nourriture, elle commencera à se développer comme corps entier, et nous offrira bientôt une forme semblable, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et deviendra par ce second développement un être de la même espèce que le corps dont elle aura été séparée ; ainsi, dans les saules et dans les polypes comme il y a plus de parties organiques semblables au tout que d’autres parties, chaque morceau de saule ou de polype qu’on retranche du corps entier devient un saule ou un polype par ce second développement.

Or, un corps organisé dont toutes les parties seraient semblables à lui-même, comme ceux que nous venons de citer, est un corps dont l’organisation est la plus simple de toutes, comme nous l’avons dit dans le premier chapitre, car ce n’est que la répétition de la même forme, et une composition

  1. L’ignorance dans laquelle on se trouvait à l’époque de Buffon, relativement aux phénomènes les plus simples de la chimie, ne permettait pas à Buffon de connaître la « force pénétrante » dont il parle et dont le rôle, bien compris par lui, est de déterminer la pénétration, la fusion et la combinaison des matériaux nutritifs avec les principes qui préexistent dans l’organisme. Cette force est celle que les chimistes désignent sous le nom d’affinité. (Voyez mon Introduction.)
  2. La reproduction n’est réellement qu’une forme du développement.