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vérité, fort aisée à reprendre, parce qu’elle fuyait dès qu’on voulait en approcher ; mais dès qu’elle était une fois prise, elle se laissait emmener, et même emporter si l’on voulait, sans faire de résistance et sans montrer de colère. On peut donc dire que cette jeune femelle, quoique timide et sauvage, tenait néanmoins, par la douceur de ses mœurs et de son naturel, de sa grand’mère et de sa mère, lesquelles, ayant reçu une éducation toute domestique, ont toujours été très douces, très caressantes et très familières ; et c’est une nouvelle preuve de ce que nous avons déjà dit au sujet de ces animaux, savoir, que le chien, en s’alliant avec la louve, semble avoir donné aux femelles qui sont provenues de cette union son naturel et ses mœurs, et que ces mâles ont aussi transmis ces mêmes qualités intérieures aux autres femelles dont elles ont été mères ; que réciproquement la louve, en s’alliant avec le chien, avait donné aux mâles qui sont provenus de cette union son naturel et ses mœurs, et que ces mâles ont aussi transmis ces mêmes qualités intérieures aux autres mâles dont ils ont été pères. Nous allons donner la description de cette femelle qui nous est restée de la troisième génération ; nous exposerons d’abord ce que cette jeune femelle avait de commun avec le loup, et ensuite les rapports qu’elle pouvait avoir avec le chien, et nous verrons, par cette comparaison, qu’elle avait, comme toutes les autres femelles de cette race, beaucoup plus de ressemblance avec le loup qu’avec le chien. Il eût été bien à désirer d’avoir aussi un mâle de la même portée, comme nous en avions pour décrire les deux générations précédentes, nous aurions vu si ce mâle eût été, ainsi que son grand-père et son père, plus semblable à l’espèce du chien qu’à celle du loup ; et si ses mœurs eussent été analogues à celles de ce dernier animal : cela aurait confirmé ou infirmé ce que nous avons dit précédemment au sujet de l’influence des mâles et des femelles dans la génération de ces animaux.

1o Cette jeune femelle de la troisième génération avait par son air, sa marche, sa manière de courir et la faculté qu’elle avait de hurler, beaucoup d’analogie avec le loup ; on ne l’a point entendue aboyer, mais le ton et les inflexions de sa voix, lorsqu’elle hurlait, étaient exactement les mêmes que ceux du loup ; 2o elle avait aussi, comme le loup, le corps fort épais de bas en haut vers le ventre, et plus élevé au train de devant qu’à celui de derrière, qui allait en s’abaissant fort sensiblement jusqu’à l’origine de la queue ; 3o elle ressemblait encore au loup par la forme de sa tête, dont le museau était épais auprès des yeux et mince à son extrémité, et par les oreilles, qui étaient courtes, droites et terminées en pointe ; 4o par les dents canines, qui, à proportion de la taille de l’animal, étaient plus grandes et plus grosses que celles des chiens ordinaires : voilà les principaux caractères qui rapprochaient cette femelle de l’espèce du loup, et qui paraissent avoir été transmis à toutes les femelles de la première génération. Nous remarqueront seulement que dans la femelle de la seconde génération, c’est-à-dire la