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Spontin me fait l’honneur de me remercier de ce que j’ai cité son heureuse expérience dans mon volume de supplément à l’Histoire naturelle des animaux quadrupèdes, et il me mande qu’il se propose de faire la tentative de l’accouplement des chiens et des renards ; mais que pour celle du loup et de la chienne, il en redouterait l’entreprise, imaginant que le caractère cruel et féroce du loup le rendrait encore plus dangereux que ne l’avait été la louve. « Le porteur de cette lettre, ajoute M. de Spontin, est chargé de la conduite des deux chiens de la première génération et de leurs jeunes, entre lesquels j’ai choisi les plus forts et les plus ressemblants tant au père qu’à la mère, que je vous envoie avec eux. Il m’en reste donc deux aussi, dont l’un a la queue toute courte comme le chien l’avait, et sera d’un noir foncé. Il paraît être aussi plus docile et plus familier que les autres ; cependant il conserve encore l’odeur de loup, puisqu’il n’y a aucun chien qui ne se sauve dès qu’il le sent, ce que vous pourriez éprouver aussi avec ceux que je vous envoie. Le père et la mère n’ont jamais mordu personne, et sont même très caressants ; vous pourrez les faire venir dans votre chambre comme je faisais venir la louve dans la mienne, sans courir le moindre risque. Le voyage pourra les familiariser encore davantage ; j’ai préféré de vous les envoyer, ne croyant pas qu’ils pussent s’habituer dans un panier, n’ayant jamais été enfermés ni attachés, etc. »

Ces quatre animaux me sont en effet arrivés au commencement de juin 1776, et je fus obligé d’abord de les faire garder pendant six semaines dans un lieu fermé ; mais m’apercevant qu’ils devenaient farouches, je les mis en liberté vers la fin de juillet, et je les fis tenir dans mes jardins pendant le jour, et dans une petite écurie pendant la nuit. Ils se sont toujours bien portés, au moyen de la liberté qu’on leur donnait pendant le jour ; et après avoir observé pendant tout ce temps leurs habitudes naturelles, j’ai donné à la ménagerie du Roi les deux vieux, c’est-à-dire le mâle et la femelle qui proviennent immédiatement du chien et de la louve, et j’ai gardé les deux jeunes, l’un mâle et l’autre femelle, provenant de ceux que j’ai envoyés à la ménagerie.

Voici l’histoire et la description particulière de chacun de ces quatre animaux.

DU MÂLE. — PREMIÈRE GÉNÉRATION.

Il avait plus de rapport avec le loup qu’avec le chien par le naturel, car il conservait un peu de férocité : il avait l’œil étincelant, le regard farouche et le caractère sauvage ; il aboyait au premier abord contre tous ceux qui le regardaient ou qui s’en approchaient ; ce n’était pas un aboiement bien distinct, mais plutôt un hurlement qu’il faisait entendre fort souvent dans les