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moins troublé dans la femelle par les convulsions du plaisir : elles sont si marquées dans quelques-unes, et même si nuisibles à la conception dans quelques femelles, telles que l’ânesse, qu’on est obligé de leur jeter de l’eau sur la croupe, ou même de les frapper rudement pour les calmer ; sans ce secours désagréable elles ne deviendraient pas mères, ou du moins ne le deviendraient que tard, lorsque dans un âge plus avancé la grande ardeur du tempérament serait éteinte ou ne subsisterait qu’en partie. On est quelque fois obligé de se servir des mêmes moyens pour faire concevoir les juments.

Mais, dira-t-on, les chiennes et les chattes, qui paraissent être encore plus ardentes en amour que la jument et l’ânesse, ne manquent néanmoins jamais de concevoir ; le fait que vous avancez sur l’infécondité des femelles trop ardentes en amour n’est donc pas général et souffre de grandes exceptions. Je réponds que l’exemple des chiennes et des chattes, au lieu de faire une exception à la règle, en serait plutôt une confirmation ; car, à quelque excès qu’on veuille supposer les convulsions intérieures des organes de la chienne, elles ont tout le temps de se calmer pendant la longue durée du temps qui se passe entre l’acte consommé et la retraite du mâle, qui ne peut se séparer tant que subsiste le gonflement et l’irritation des parties ; il en est de même de la chatte, qui, de toutes les femelles, paraît être la plus ardente, puisqu’elle appelle ses mâles par des cris lamentables d’amour qui annoncent le plus pressant besoin ; mais c’est comme pour le chien par une autre raison de conformation dans le mâle que cette femelle si ardente ne manque jamais de concevoir ; son plaisir très vif dans l’accouplement est nécessairement mêlé d’une douleur presque aussi vive. Le gland du chat est hérissé d’épines plus grosses et plus poignantes que celles de sa langue, qui, comme l’on sait, est rude au point d’offenser la peau ; dès lors l’intromission ne peut être que fort douloureuse pour la femelle, qui s’en plaint et l’annonce hautement par des cris encore plus perçants que les premiers ; la douleur est si vive que la chatte fait en ce moment tous ses efforts pour échapper, et le chat pour la retenir est forcé de la saisir sur le cou avec ses dents et de contraindre et soumettre ainsi par la force cette même femelle amenée par l’amour.

Dans les animaux domestiques soignés et bien nourris, la multiplication est plus grande que dans les animaux sauvages[NdÉ 1] : on le voit par l’exemple des chats et des chiens, qui produisent dans nos maisons plusieurs fois par an, tandis que le chat sauvage et le chien abandonné à la seule nature ne

  1. Cela est vrai de tous les animaux domestiqués depuis longtemps ; mais un certain nombre d’animaux soumis à la servitude, et même domestiqués, présentent le phénomène contraire. Les éléphants, par exemple, sont moins féconds à l’état domestique qu’à l’état sauvage. D’autres animaux ne peuvent pas être domestiqués parce qu’ils ne se reproduisent pas en captivité.