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trouveraient relativement aux autres dans le même cas que le sont actuellement ceux de l’Amérique méridionale ; ils seraient entièrement et absolument séparés de ceux des contrées tempérées, et on aurait tort de leur chercher une origine commune et de vouloir les rappeler aux espèces ou aux genres qui peuplent ces contrées, sur le seul fondement qu’ils auraient avec ces derniers quelque ressemblance imparfaite ou quelques rapports éloignés.

Il faut donc, pour rendre raison de l’origine de ces animaux, remonter au temps où les deux continents n’étaient pas encore séparés ; il faut se rappeler les premiers changements qui sont arrivés sur la surface du globe ; il faut en même temps se représenter les deux cents espèces d’animaux quadrupèdes réduites à trente-huit familles. Et quoique ce ne soit point là l’état de la nature telle qu’elle nous est parvenue et que nous l’avons représentée, que ce soit au contraire un état beaucoup plus ancien, et que nous ne pouvons guère atteindre que par des inductions et des rapports presque aussi fugitifs que le temps, qui semble en avoir effacé les traces, nous tâcherons néanmoins de remonter par les faits et par les monuments encore existants à ces premiers âges de la nature, et d’en présenter les époques qui nous paraîtront clairement indiquées.


    dans la péninsule malaise. Peut-être pourrait-on supposer qu’il a été introduit dans l’île par l’homme ; mais Java et Bornéo possèdent un certain nombre d’espèces spéciales qui se sont évidemment produites sur place, par transformation d’espèces dont les souches existent sur le continent asiatique.

    La 6o région, ou région australienne, est avec la région sud-américaine celle qui témoigne le mieux en faveur des centres distincts de formation d’espèces et des barrières naturelles admises par Buffon, et, après lui, par l’unanimité des savants modernes. Cette région comprend l’Australie, la Nouvelle-Guinée, les Moluques, les Célèbes, etc. Quoique la limite qui la sépare des îles Bornéo, de Java, de Sumatra et des Philippines ne soit établie que par un bras de mer relativement étroit, sa faune et sa flore se distinguent cependant très nettement de celles de ces îles, ce qui indique une séparation très ancienne. La région australienne est essentiellement caractérisée par la rareté des mammifères. Les seuls qu’on y trouve sont des marsupiaux, quelques rongeurs et quelques chauve-souris. Les mammifères fossiles y sont également fort rares et appartiennent à peu près exclusivement aux mêmes groupes. Ces faits indiquent, d’une part, que la séparation de cette région d’avec les continents asiatique, et américain est extrêmement reculée, d’autre part, que l’évolution du groupe mammifère s’y est trouvée arrêtée par des conditions particulières dont nous ignorons la nature, puisqu’elle n’a pas suivie la même marche que sur les continents. Découvrir la cause de ce dernier phénomène serait de la plus haute importance, mais cette recherche est entourée de tant de difficultés qu’il paraît difficile d’espérer qu’elle conduise à des résultats satisfaisants.

    Buffon avait compris toute l’importance qui s’attache au vaste problème de la géographie des êtres vivants ; il avait observé les longues migrations auxquelles ils se livrent ; il avait saisi la valeur des transformations qu’ils subissent sous l’influence des conditions nouvelles auxquelles ils se trouvent soumis à la suite de ces migrations ; enfin, il avait vu que toutes les espèces d’un point déterminé du globe affectent des caractères propres à la région qu’elles occupent ; il lui restait à admettre que toutes les espèces exclusivement propres à chaque région s’y sont formées sur place.