Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cause est naturelle et l’on peut en imaginer de semblables, et qui produiraient le même effet : par exemple, s’il arrivait jamais que la mer fît une irruption en Asie de l’orient au couchant, et qu’elle séparât du reste du continent les terres méridionales de l’Afrique et de l’Asie, tous les animaux qui sont propres et particuliers à ces contrées du Midi, tels que les éléphants, les rhinocéros, les girafes, les zèbres, les orangs-outangs, etc., se

    mifères de cette région sont tout à fait distincts de ceux de l’ancien monde. Citons les singes platyrrhiniens, les paresseux, les armadilles, les phylostomidés ou grandes chauve-souris qui sucent le sang des animaux, le capybara qui est le plus grand des rongeurs, etc. Dans la même région on trouve à l’état fossile des espèces éteintes des genres qui y sont actuellement représentés. Ce que nous venons de dire des quadrupèdes s’applique aux autres groupes d’animaux et aux plantes. Il importe toutefois de remarquer qu’on trouve moins de différences entre la faune fossile de cette région et celle de l’ancien monde qu’entre les deux faunes modernes. On a, par exemple, découvert dans les pampas de l’Amérique du Sud une espèce fossile de cheval, tandis qu’à l’époque de la découverte de l’Amérique par les Européens, il n’existait dans ce pays aucune espèce de cheval. On a également découvert une espèce fossile d’éléphant dans les montagnes du Pérou où cet animal fait absolument défaut depuis très longtemps. Ces faits permettent de supposer qu’à une époque reculée il y avait, ainsi que le pense Buffon, une communication entre l’Amérique et l’Europe. Plus tard, sans doute au début de la période géologique quaternaire, les deux continents ont été séparés l’un de l’autre, certaines espèces se sont éteintes dans le nouveau continent, tandis qu’elles ont survécu dans l’ancien et des espèces nouvelles se sont produites en Amérique sans se développer en Europe.

    La 2e région admise par les naturalistes est la région néo-arctique. Elle s’étend, en Amérique, depuis le centre du plateau du Mexique jusqu’au pôle nord. Les espèces propres à cette région sont beaucoup moins caractéristiques que celles de la précédente et elles offrent d’autant plus de ressemblances avec celles de l’ancien continent qu’elles sont plus septentrionales. Il est permis d’en conclure que ces espèces se sont plus longtemps tenues en communication avec l’ancien monde que celles de l’Amérique du Sud. Celles-ci après avoir émigré dans le Sud sont demeurées tout à fait isolées du reste du monde ; se trouvant dans des conditions très spéciales, elles se sont transformées ou éteintes avec rapidité, et ont produit une faune plus caractéristique que celle du Nord, parce que celle-ci se trouvait dans des conditions climatériques plus analogues à celles du pays d’origine des souches d’où dérivaient ses espèces.

    La 3e région, désignée sous le nom de paléo-arctique, comprend l’Europe et l’Asie septentrionale jusqu’au Japon et toute la partie de l’Afrique située au nord du désert de Sahara. Tous les êtres de cette région ont des caractères manifestes de parenté et ont aussi des rapports étroits avec les fossiles qu’on y trouve.

    La 4e région, dite éthiopienne, comprend toute la partie de l’Afrique située au sud du désert de Sahara et l’île de Madagascar. « Cette partie de l’Afrique, dit Lyell, caractérisée comme elle l’est par une faune indigène particulière, constitue un fait qui se montre en parfait accord avec la théorie de Buffon relative aux barrières naturelles. Ici la barrière est à l’est, à l’ouest et au sud, la mer, au nord le désert de Sahara. L’île de Madagascar, elle-même, séparée à une époque ancienne du continent africain a vu se développer sur son sol un certain nombre d’espèces d’animaux et de végétaux qui lui sont propres, mais dont les souches doivent être cherchées sur le continent. »

    La 5e région, ou région indienne, embrasse l’Asie méridionale et la moitié orientale de l’archipel malais. Un certain nombre de formes de cette région lui sont communes avec la région éthiopienne, ce qui établit une communication entre elles ; d’autres lui sont spéciales, notamment le musc, le gibbon, l’ours jongleur, etc. Il y a eu certainement des communications, à une époque relativement récente, entre la partie continentale de cette région et les îles de Java et de Bornéo, car on trouve dans ces dernières des espèces de mammifères qui ne peuvent pas y être arrivés à travers la mer. Le bœuf sauvage de Java, par exemple, se trouve