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se trouve que dans le nouveau monde, est-il d’une espèce éloignée de tous les deux.

Il n’en est pas de même du pécari : quoiqu’il soit d’une espèce différente de celle du cochon, il est cependant du même genre ; il ressemble au cochon par la forme et par tous les rapports apparents ; il n’en diffère que par quelques petits caractères, tels que l’ouverture qu’il a sur le dos, la forme de l’estomac et des intestins, etc. On pourrait donc croire que cet animal serait issu de la même souche que le cochon, et qu’autrefois il aurait passé de l’ancien monde dans le nouveau, où, par l’influence de la terre, il aura dégénéré au point de former aujourd’hui une espèce distincte et différente de celle dont il est originaire.

Et à l’égard de la vigogne ou paco, quoiqu’elle ait quelques rapports avec la brebis par la laine et par l’habitude du corps, elle en diffère à tant d’autres égards qu’on ne peut regarder ces espèces ni comme voisines, ni comme alliées ; la vigogne est plutôt une espèce de petit lama, et il ne paraît par aucun indice qu’elle ait jamais passé d’un continent à l’autre. Ainsi des quatre espèces isolées qui sont particulières au nouveau monde, trois, savoir le tapir, le cabiai et le lama, avec la vigogne, paraissent appartenir en propre et de tout temps à ce continent ; au lieu que le pécari, qui fait la quatrième, semble n’être qu’une espèce dégénérée du genre des cochons, et avoir autrefois tiré son origine de l’ancien continent.

En examinant et comparant dans la même vue les dix genres auxquels nous avons réduit les autres animaux particuliers à l’Amérique méridionale, nous trouverons de même non seulement des rapports singuliers dans leur nature, mais des indices de leur ancienne origine et des signes de leur dégénération : les sapajous et les sagouins ressemblent assez aux guenons ou singes à la longue queue pour qu’on leur ait donné le nom commun de singe ; cependant nous avons prouvé que leurs espèces et même leurs genres sont différents ; et d’ailleurs il serait bien difficile de concevoir comment les guenons de l’ancien continent ont pu prendre en Amérique une forme de face différente, une queue musclée et préhensile, une large cloison entre les narines, et les autres caractères, tant spécifiques que génériques, par lesquels nous les avons distinguées et séparées des sapajous ; cependant comme les singes, les babouins et les guenons ne se se trouvent que dans l’ancien continent, on doit regarder les sapajous et les sagouins comme leurs représentants dans le nouveau ; car ces animaux ont à peu près la même forme, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et ils ont aussi beaucoup de choses communes dans leurs habitudes naturelles : il en est de même des makis, dont aucune espèce ne s’est trouvée en Amérique, et qui néanmoins paraissent y être remplacés ou représentés par les philandres, c’est-à-dire par les sarigues, marmoses et autres quadrumanes à museau pointu, qui se trouvent en grand nombre dans le nouveau continent, et nulle part dans