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est aussi commune, puisqu’elle peut se mêler avec toutes deux ; et si quelque chose pouvait indiquer qu’originairement toutes trois sont sorties de la même souche, c’est ce rapport commun qui rapproche le renard du loup, et me paraît en réunir les espèces de plus près que tous les autres rapports de conformité dans la figure et l’organisation. Pour réduire ces deux espèces à l’unité, il faut donc remonter à un état de nature plus ancien ; mais, dans l’état actuel, on doit regarder le loup et le renard comme les tiges majeures du genre des cinq animaux que nous avons indiqués ; le chien, le chacal et l’isatis n’en sont que les branches latérales, et elles sont placées entre les deux premières ; le chacal participe du chien et du loup, et l’isatis du chacal et du renard : aussi paraît-il, par un grand nombre de témoignages, que le chacal et le chien produisent aisément ensemble ; et l’on voit par la description de l’isatis et par l’histoire de ses habitudes naturelles, qu’il ressemble presque entièrement au renard par la figure et par le tempérament ; qu’il se trouve également dans les pays froids, mais qu’en même temps il tient du chacal le naturel, l’aboiement continu, la voix criarde et l’habitude d’aller toujours en troupe.

Le chien de berger, que j’ai dit être la souche première de tous les chiens, est en même temps celui qui approche le plus de la figure du renard ; il est de la même taille, il a comme lui les oreilles droites, le museau pointu, la queue droite et traînante ; il approche aussi du renard par la voix, par l’intelligence et par la finesse de l’instinct ; il se peut donc que ce chien soit originairement issu du renard, sinon en ligne droite, au moins en ligne collatérale. Le chien qu’Aristote appelle canis laconicus, et qu’il assure provenir du mélange du renard et du chien, pourrait bien être le même que le chien de berger, ou du moins avoir plus de rapport avec lui qu’avec aucun autre chien : on serait porté à imaginer que l’épithète laconicus, qu’Aristote n’interprète pas, n’a été donnée à ce chien que par la raison qu’il se trouvait en Laconie, province de la Grèce, dont Lacédémone était la ville principale ; mais si l’on fait attention à l’origine de ce chien laconic, que le même auteur dit venir du renard et du chien, on sentira que la race n’en était pas bornée au seul pays de Laconie, et qu’elle devait se trouver également dans tous les pays où il y avait des renards, et c’est ce qui me fait présumer que l’épithète laconicus pourrait bien avoir été employée par Aristote dans le sens moral, c’est-à-dire pour exprimer la brièveté ou le son aigu de la voix ; il aura appelé chien laconic ce chien provenant du renard, parce qu’il n’aboyait pas comme les autres chiens, et qu’il avait la voix courte et glapissante comme celle du renard : or, notre chien de berger est le chien qu’ont peut appeler laconic à plus juste titre ; car c’est celui de tous les chiens dont la voix est la plus brève et la plus rare ; d’ailleurs, les caractères que donne Aristote à son chien laconic conviennent assez au chien de berger, et c’est ce qui a achevé de me persuader que c’était