Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et encore moins avec succès. Si le taureau avait à produire avec quelque autre espèce que la sienne ce serait avec le buffle, qui lui ressemble par la conformation et par la plupart des habitudes naturelles ; cependant nous n’avons pas entendu dire qu’il soit jamais né des mulets de ces deux animaux, qui néanmoins se trouvent dans plusieurs lieux, soit en domesticité, soit en liberté. Ce que l’on raconte de l’accouplement et du produit du cerf et de la vache m’est à peu près aussi suspect que l’histoire des jumarts, quoique le cerf soit beaucoup moins éloigné, par sa conformation, de la nature de la vache, que le taureau ne l’est de celle de la jument.

Ces animaux qui portent des bois, quoique ruminants et conformes à l’intérieur comme ceux qui portent des cornes, semblent faire un genre, une famille à part, dans laquelle l’élan est la tige majeure, et le renne, le cerf, l’axis, le daim et le chevreuil sont les branches mineures et collatérales ; car il n’y a que ces six espèces d’animaux dont la tête soit armée d’un bois branchu qui tombe et se renouvelle tous les ans ; et indépendamment de ce caractère générique qui leur est commun, ils se ressemblent encore beaucoup par la conformation et par toutes les habitudes naturelles : on obtiendrait donc plutôt des mulets du cerf ou du daim mêlé avec le renne et l’axis, que du cerf et de la vache.

On serait encore mieux fondé à regarder toutes les brebis et toutes les chèvres comme ne faisant qu’une même famille, puisqu’elles produisent ensemble des mulets qui remontent directement, et dès la première génération, à l’espèce de la brebis ; on pourrait même joindre à cette nombreuse famille des brebis et des chèvres celle des gazelles et celle des bubales, qui ne sont pas moins nombreuses. Dans ce genre, qui contient plus de trente espèces différentes, il paraît que le mouflon, le bouquetin, le chamois, l’antilope, le bubale, le condoma, etc., sont les tiges principales, et que les autres n’en sont que des branches accessoires, qui toutes ont retenu les caractères principaux de la souche dont elles sont issues, mais qui ont en même temps prodigieusement varié par les influences du climat et les différentes nourritures, aussi bien que par l’état de servitude et de domesticité auquel l’homme a réduit la plupart de ces animaux.

Le chien, le loup, le renard, le chacal et l’isatis forment un autre genre, dont chacune des espèces est réellement si voisine des autres et dont les individus se ressemblent si fort, surtout par la conformation intérieure et par les parties de la génération, qu’on a peine à concevoir pourquoi ces animaux ne produisent point ensemble ; il m’a paru, par les expériences que j’ai faites sur le mélange du chien avec le loup et avec le renard, que la répugnance à l’accouplement venait du loup et du renard plutôt que du chien, c’est-à-dire de l’animal sauvage, et non pas de l’animal domestique ; car les chiennes que j’ai mises à l’épreuve auraient volontiers souffert le renard et le loup,