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palefrenier, trouver leur vigueur dès qu’ils étaient placés et engendrer à l’âge de trente ans. La liqueur séminale est non seulement moins abondante, mais beaucoup moins stimulante dans le cheval que dans l’âne : car souvent le cheval s’accouple sans la répandre, surtout si on lui présente la jument avant qu’il ne la cherche ; il paraît triste dès qu’il a joui, et il lui faut d’assez grands intervalles de temps pour que son ardeur renaisse. D’ailleurs, il s’en faut bien que dans cette espèce tous les accouplements, même les plus consommés, soient prolifiques ; il y a des juments naturellement stériles, et d’autres en plus grand nombre qui sont très peu fécondes ; il y a aussi des étalons qui, quoique vigoureux en apparence, n’ont que peu de puissance réelle. Nous pouvons ajouter à ces raisons particulières une preuve plus évidente et plus générale du peu de fécondité dans les espèces du cheval et de l’âne ; ce sont de tous les animaux domestiques ceux dont l’espèce, quoique la plus soignée, est la moins nombreuse ; dans celles du bœuf, de la brebis, de la chèvre, et surtout dans celles du cochon, du chien et du chat, les individus sont dix et peut-être cent fois plus nombreux que dans celles du cheval et de l’âne : ainsi leur peu de fécondité est prouvée par le fait, et l’on doit attribuer à toutes ces causes la stérilité des mulets qui proviennent du mélange de ces deux espèces naturellement peu fécondes. Dans les espèces au contraire qui, comme celle de la chèvre et celle de la brebis, sont plus nombreuses et par conséquent plus fécondes, les mulets provenant de leur mélange ne sont pas stériles et remontent pleinement à l’espèce originaire dès la première génération ; au lieu qu’il faudrait deux, trois et peut-être quatre générations pour que le mulet provenant du cheval et de l’âne pût parvenir à ce même degré de réhabilitation de nature.

On a prétendu que de l’accouplement du taureau et de la jument il résultait une autre sorte de mulet ; Columelle est, je crois, le premier qui en ait parlé ; Gessner le cite, et ajoute qu’il a entendu dire qu’il se trouvait de ces mulets auprès de Grenoble, et qu’on les appelle en français jumarts. J’ai fait venir un de ces jumarts de Dauphiné ; j’en ai fait venir un autre des Pyrénées, et j’ai reconnu, tant par l’inspection des parties extérieures que par la dissection des parties intérieures, que ces jumarts n’étaient que des bardots, c’est-à-dire des mulets provenant du cheval et de l’ânesse : je crois donc être fondé, tant par cette observation que par l’analogie, à croire que cette sorte de mulet n’existe pas, et que le mot jumart n’est qu’un nom chimérique et qui n’a point d’objet réel. La nature du taureau est trop éloignée de celle de la jument pour qu’ils puissent produire ensemble, l’un ayant quatre estomacs, des cornes sur la tête, le pied fourchu, etc., l’autre étant solipède et sans cornes, et n’ayant qu’un seul estomac. Et les parties de la génération étant très différentes tant par la grosseur que pour les proportions, il n’y a nulle raison de présumer qu’ils puissent se joindre avec plaisir