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d’herbes, et ne peut se nourrir que de substances ligneuses, d’écorce, de boutons, de feuilles d’arbres, de lichens, etc.[NdÉ 1].

L’élan, dont l’espèce est confiné dans le nord des deux continents, est seulement plus petit en Amérique qu’en Europe, et l’on voit par les énormes bois que l’on a trouvés sous terre en Canada, en Russie, en Sibérie, etc., qu’autrefois ces animaux étaient plus grands qu’ils ne le sont aujourd’hui : peut-être cela vient-il de ce qu’ils jouissaient en toute tranquillité de leurs forêts, et que n’étant point inquiétés par l’homme, qui n’avait pas encore pénétré dans ces climats, ils étaient maîtres de choisir leur demeure dans les endroits où l’air, la terre et l’eau leur convenaient le mieux. Le renne, que les Lapons ont rendu domestique, a par cette raison plus changé que l’élan, qui n’a jamais été réduit en servitude : les rennes sauvages sont plus grands, plus forts et d’un poil plus noir que les rennes domestiques ; ceux-ci ont beaucoup varié pour la couleur du poil, et aussi pour la grandeur et la grosseur du bois ; cette espèce de lichen ou de grande mousse blanche, qui fait la principale nourriture du renne, semble contribuer beaucoup par sa qualité à la formation et à l’accroissement du bois, qui proportionnellement est plus grand dans le renne que dans aucune autre espèce ; et c’est peut-être cette même nourriture qui, dans ce climat, produit du bois sur la tête du lièvre, comme sur celle de la femelle du renne : car, dans tous les autres climats, il n’y a ni lièvres cornus ni aucun animal dont la femelle porte du bois comme le mâle.

L’espèce de l’éléphant est la seule sur laquelle l’état de servitude ou de domesticité n’a jamais influé, parce que dans cet état il refuse de produire, et par conséquent de transmettre à son espèce les plaies ou les défauts occasionnés par sa condition : il n’y a dans l’éléphant que des variétés légères et presque individuelles ; sa couleur naturelle est le noir, cependant il s’en trouve de roux et de blancs, mais en très petit nombre. L’éléphant varie aussi pour la taille suivant la longitude plutôt que la latitude du climat : car sous la zone torride dans laquelle il est, pour ainsi dire, renfermé et sous la même ligne, il s’élève jusqu’à quinze pieds de hauteur dans les contrées orientales de l’Afrique, tandis que dans les terres occidentales de cette même partie du monde il n’atteint guère qu’à la hauteur de dix ou onze pieds ; ce qui prouve que, quoique la grande chaleur soit nécessaire au plein développement de sa nature, la chaleur excessive la restreint, la réduit à de moindres dimensions. Le rhinocéros paraît être d’une taille plus uniforme et d’une grandeur moins variable ; il semble ne différer de lui-même que par le caractère singulier qui le fait différer de tous les autres animaux, par cette grande corne qu’il porte sur le nez ; cette corne est simple dans les rhinocéros de l’Asie, et double dans ceux de l’Afrique.

  1. Explication enfantine.