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donc déjà rabattre beaucoup de la force de cette analogie, nous pouvons même douter de sa réalité, et nous devons chercher si ce n’est pas par un autre principe différent du nôtre qu’ils sont conduits, et si leurs sens ne suffisent pas pour produire leurs actions, sans qu’il soit nécessaire de leur accorder une connaissance de réflexion.

Tout ce qui est relatif à leur appétit ébranle très vivement leur sens intérieur, et le chien se jetterait à l’instant sur l’objet de cet appétit, si ce même sens intérieur ne conservait pas les impressions antérieures de douleur dont cette action a été précédemment accompagnée ; les impressions extérieures ont modifié l’animal, cette proie qu’on lui présente n’est pas offerte à un chien simplement, mais à un chien battu ; et comme il a été frappé toutes les fois qu’il s’est livré à ce mouvement d’appétit, les ébranlements de douleur se renouvellent en même temps que ceux de l’appétit se font sentir, parce que ces deux ébranlements se sont faits toujours ensemble. L’animal étant donc poussé tout à la fois par deux impulsions contraires qui se détruisent mutuellement, il demeure en équilibre entre ces deux puissances égales ; la cause déterminante de son mouvement étant contre-balancée, il ne se mouvra pas pour atteindre à l’objet de son appétit. Mais les ébranlements de l’appétit et de la répugnance, ou, si l’on veut, du plaisir et de la douleur, subsistant toujours ensemble dans une opposition qui en détruit les effets, il se renouvelle en même temps dans le cerveau de l’animal un troisième ébranlement, qui a souvent accompagné les deux premiers ; c’est l’ébranlement causé par l’action de son maître, de la main duquel il a souvent reçu ce morceau qui est l’objet de son appétit ; et comme ce troisième ébranlement n’est contre-balancé par rien de contraire, il devient la cause déterminante du mouvement. Le chien sera donc déterminé à se mouvoir vers son maître et à s’agiter jusqu’à ce que son appétit soit satisfait en entier.

On peut expliquer de la même façon et par les mêmes principes toutes les actions des animaux, quelque compliquées qu’elles puissent paraître, sans qu’il soit besoin de leur accorder ni la pensée, ni la réflexion : leur sens intérieur suffit pour produire tous leurs mouvements. Il ne reste plus qu’une chose à éclaircir, c’est la nature de leurs sensations, qui doivent être, suivant ce que nous venons d’établir, bien différentes des nôtres. Les animaux, nous dira-t-on, n’ont-ils donc aucune connaissance ? leur ôtez-vous la conscience de leur existence, le sentiment ? puisque vous prétendez expliquer mécani-

    leurs petits à voler, à poursuivre les insectes dont certains se nourrissent, à éviter par mille ruses les atteintes du chasseur, etc. Les mêmes animaux varient dans la manière de construire leurs nids, suivant les conditions dans lesquelles ils se trouvent et les matériaux qu’ils ont à leur disposition. On a constaté que de génération en génération les hirondelles modifient la forme, la disposition et les dimensions de leurs nids, suivant les circonstances. Les fourmis montrent une grande tendance à profiter de tout ce qui peut diminuer la somme énorme de travail qu’exige la construction de leurs habitations. En un mot, la plupart des animaux font preuve d’une perfectibilité et d’une éducabilité très manifestes.