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Lorsque cette matière organique et productive se trouve rassemblée en grande quantité dans quelques parties de l’animal, où elle est obligée de séjourner, elle y forme des êtres vivants que nous avons toujours regardés comme des animaux : le ténia, les ascarides, tous les vers qu’on trouve dans les veines, dans le foie, etc., tous ceux qu’on tire des plaies, la plupart de ceux qui se forment dans les chairs corrompues, dans le pus, n’ont pas d’autre origine ; les anguilles de la colle de farine, celles du vinaigre, tous les prétendus animaux microscopiques ne sont que des formes différentes que prend d’elle-même, et suivant les circonstances, cette matière toujours active et qui ne tend qu’à l’organisation.

Dans toutes les substances animales ou végétales, décomposées par l’infusion, cette matière productive se manifeste d’abord sous la forme d’une végétation ; on la voit former des filaments qui croissent et s’étendent comme une plante qui végète ; ensuite les extrémités et les nœuds de ces végétations se gonflent, se boursouflent et crèvent bientôt pour donner passage à une multitude de corps en mouvement qui paraissent être des animaux, en sorte qu’il semble qu’en tout la nature commence par un mouvement de végétation : on le voit par ces productions microscopiques ; on le voit aussi par le développement de l’animal, car le fœtus, dans les premiers temps, ne fait que végéter.

Les matières saines et qui sont propres à nous nourrir ne fournissent des molécules en mouvement qu’après un temps assez considérable ; il faut quelques jours d’infusion dans l’eau pour que la chair fraîche, les graines, les amandes des fruits, etc., offrent aux yeux des corps en mouvement ; mais plus les matières sont corrompues, décomposées ou exaltées, comme le pus, le blé ergoté, le miel, les liqueurs séminales, etc., plus ces corps en mouvement se manifestent promptement ; ils sont tout développés dans les liqueurs séminales ; il ne faut que quelques heures d’infusion pour les voir dans le pus, dans le blé ergoté, dans le miel, etc. ; il en est de même des drogues de médecine, l’eau où on les met infuser en fourmille au bout d’un très petit temps.

Il existe donc une matière organique animée, universellement répandue dans toutes les substances animales ou végétales, qui sert également à leur nutrition, à leur développement et à leur reproduction ; la nutrition s’opère par la pénétration intime de cette matière dans toutes les parties du corps de l’animal ou du végétal ; le développement n’est qu’une espèce de nutrition plus étendue, qui se fait et s’opère tant que les parties ont assez de ductilité pour se gonfler et s’étendre, et la reproduction ne se fait que par la même matière devenue surabondante au corps de l’animal ou du végétal ; chaque partie du corps de l’un ou de l’autre renvoie les molécules organiques qu’elle ne peut plus admettre : ces molécules sont absolument analogues à chaque partie dont elles sont renvoyées, puisqu’elles étaient destinées à