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d’une hémorrhagie, même considérable, d’abord de sang assez pur, ensuite de sang mêlé de sérosités, etc. ? Ce sang ne vient point de la séparation du placenta, les mamelons sont tirés hors des lacunes sans aucune effusion de sang puisque ni les uns ni les autres n’en contiennent ; l’accouchement, qui consiste précisément dans cette séparation, ne doit donc pas produire du sang : ne peut-on pas croire que c’est au contraire l’action du sang qui produit l’accouchement ? et ce sang est celui des menstrues qui force les vaisseaux dès que la matrice est vide, et qui commence à couler immédiatement après l’enfantement, comme il coulait avant la conception.

On sait que dans les premiers temps de la grossesse le sac qui contient l’œuvre de la génération n’est point du tout adhérent à la matrice : on a vu par les expériences de Graaf qu’on peut, en soufflant dessus la petite bulle, la faire changer de lieu ; l’adhérence n’est même jamais bien forte dans la matrice des femmes, et à peine le placenta tient-il à la membrane intérieure de ce viscère dans les premiers temps, il n’y est que contigu et joint par une matière mucilagineuse qui n’a presque aucune adhésion ; dès lors pourquoi arrive-t-il que dans les fausses couches du premier et du second mois cette bulle qui ne tient à rien ne sort cependant jamais qu’avec grande effusion de sang ? Ce n’est certainement pas la sortie de la bulle qui occasionne cette effusion, puisqu’elle ne tenait point du tout à la matrice : c’est au contraire l’action de ce sang qui oblige la bulle à sortir ; et ne doit-on pas croire que ce sang est celui des menstrues, qui, en forçant les canaux par lesquels il avait coutume de passer avant la conception, en détruit le produit en reprenant sa route ordinaire ?

Les douleurs de l’enfantement sont occasionnées principalement par cette action du sang, car on sait qu’elles sont tout au moins aussi violentes dans les fausses couches de deux et trois mois que dans les accouchements ordinaires, et qu’il y a bien des femmes qui ont dans tous les temps, et sans avoir conçu, des douleurs très vives lorsque l’écoulement périodique est sur le point de paraître, et ces douleurs sont de la même espèce que celles de la fausse couche ou de l’accouchement ; dès lors ne doit-on pas soupçonner qu’elles viennent de la même cause ?

Il paraît donc que la révolution périodique du sang menstruel peut influer beaucoup sur l’accouchement, et qu’elle est la cause de la variation des termes de l’accouchement dans les femmes, d’autant plus que toutes les autres femelles, qui ne sont pas sujettes à cet écoulement périodique, mettent bas toujours au même terme ; mais il paraît aussi que cette révolution, occasionnée par l’action du sang menstruel, n’est pas la cause unique de l’accouchement, et que l’action propre du fœtus ne laisse pas d’y contribuer, puisqu’on a vu des enfants qui se sont fait jour et sont sortis de la matrice après la mort de la mère, ce qui suppose nécessairement dans le fœtus une action propre et