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occasionné par celui du poumon, comprime les intestins et cause cette évacuation qui ne se ferait pas sans cela, puisque l’on n’a point trouvé de meconium dans l’amnios des fœtus de dix et onze mois qui n’ont pas respiré, et qu’au contraire un enfant à six ou sept mois rend ce meconium peu de temps après qu’il a respiré.

D’autres anatomistes, et entre autres Fabrice d’Aquapendente, ont cru que le fœtus ne sortait de la matrice que par le besoin où il se trouvait de se procurer du rafraîchissement au moyen de la respiration. Cette cause me paraît encore plus éloignée qu’aucune des autres ; le fœtus a-t-il une idée de la respiration sans avoir jamais respiré ? sait-il si la respiration le rafraîchira ? est-il même bien vrai qu’elle rafraîchisse ? Il paraît au contraire qu’elle donne un plus grand mouvement au sang, et que par conséquent elle augmente la chaleur intérieure, comme l’air chassé par un soufflet augmente l’ardeur du feu[NdÉ 1].

Après avoir pesé toutes ces explications et toutes les raisons d’en douter, j’ai soupçonné que la sortie du fœtus devait dépendre d’une cause toute différente. L’écoulement des menstrues se fait, comme l’on sait, périodiquement et à des intervalles déterminés ; quoique la grossesse supprime cette apparence, elle n’en détruit cependant pas la cause, et quoique le sang ne paraisse pas au terme accoutumé, il doit se faire dans ce même temps une espèce de révolution semblable à celle qui se faisait avant la grossesse : aussi y a-t-il plusieurs femmes dont les menstrues ne sont pas absolument supprimées dans les premiers mois de la grossesse. J’imagine donc que lorsqu’une femme a conçu, la révolution périodique se fait comme auparavant, mais que comme la matrice est gonflée et qu’elle a pris de la masse et de l’accroissement, les canaux excrétoires étant plus serrés et plus pressés qu’ils ne l’étaient auparavant ne peuvent s’ouvrir ni donner d’issue au sang, à moins qu’il n’arrive avec tant de force ou en si grande quantité qu’il puisse se faire passage malgré la résistance qui lui est opposée ; dans ce cas il paraîtra du sang, et s’il coule en grande quantité, l’avortement suivra ; la matrice reprendra la forme qu’elle avait auparavant, parce que le sang ayant rouvert tous les canaux qui s’étaient fermés, ils reviendront au même état qu’ils étaient : si le sang ne force qu’une partie de ces canaux, l’œuvre de la génération ne sera pas détruite, quoiqu’il paraisse du sang, parce que la plus grande partie de la matrice se trouve encore dans l’état qui est nécessaire pour qu’elle puisse s’exécuter : dans ce cas il paraîtra du sang, et

  1. Buffon a raison de dire que la respiration « augmente la chaleur intérieure », mais il ne pouvait pas connaître la raison de cette augmentation de la chaleur intérieure qui se produit sous l’influence de la respiration. On sait aujourd’hui qu’elle est due à ce que la respiration introduit dans le sang une quantité considérable d’oxygène qui est répandu ensuite, par la circulation, dans tout l’organisme et mis en contact avec les éléments anatomiques dans lesquels il détermine des oxydations accompagnées d’une production de chaleur.